C’est un ancien détenu, qui a eu ces mots pour décrire l’état des prisons au Cameroun : « C’est un enfer sur terre », dit-il. Pas seulement parce que cet « enfer » est rempli de criminels, mais parce que les prisonniers endurent la loi du « sabre » des “djihadistes de Boko Haram”, cette secte nigériane qui fait des incursions dans le pays et sèment la terreur de la charia.
Régulièrement, ses membres se font coffrer. Condamnés pour exactions et massacres sur la population civile, ils sont envoyés dans les différent cachots du pays et fourrés au milieu des autres prisonniers. Et là, dans la stase de la prison, derrière les murs ou dans la cour, les hommes fanatisés ne font l’économie d’aucun excès pour récupérer les « brebis égarées » et en faire « des bons salafistes ».
« Même l’administration pénitentiaire n’y peut rien », dénonce l’ancien prisonnier, qui déplore le silence des médias locaux, plus occupés à chroniquer les « victoires » militaires « des forces gouvernementales dans le nord, plutôt qu’à dénoncer la violence islamiste qui s’acharne sur les détenus ».
Alors que dans la plupart des prisons du Nord et de Yaoundé, ce sont les adeptes du tout islamique qui font la loi, le pouvoir de Yaoundé, comme la presse camerounaise, ne se répand jamais sur cette affaire et, quand elle l’évoque, entre deux déclarations, il préfère se cacher derrière le manque de moyens et la surpopulation carcérale, pour justifier “ce massacre idéologique” qui fond sur les prisonniers .
Certes, selon le réseau de défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) ou le Nouveau Droit de l’Homme (NDH), on dénombre 35000 détenus dans le pays, soit plus de deux fois la capacité d’accueil dans les cellules. Mais cette situation n’est pas tombée du ciel. Elle découle du recours systématique à la détention préventive, qui frappe – à peu près – tout le monde : voleurs, violeurs, journalistes ou opposants politiques.
De fait, dans les prisons, hormis les politiciens et les hauts cadres de l’administration ( la plupart condamnés pour détournement de fonds publics), qui ont droit à une chambre individuelle, les autres prisonniers, faute de place, sont dispersés dans les couloirs. Mélangés aux islamistes, certains dorment dehors, dans les nombreux logis de fortune qui jonchent la cour.
En avril dernier, Human Right Whatch s’est fendue d’un communiqué, pour dénoncer des « conditions d’emprisonnement abjectes », appuyée par des partis d’opposition camerounais et des associations de défense de droit des prisonniers. Elle a sommé les autorités du pays au respect des conventions internationales dont elles sont signataires et, surtout, à mettre fin à la mécanique infernale de la détention préventive, pour désengorger les prisons.
A l’occasion, le président, Paul Biya, est sorti du bois pour signer un décret de remise de peine. Seul hic : ce décret, présenté comme la panacée contre la surpopulation carcérale, ne concerne pas les personnes en attente de leur jugement… soit plus de 80% de la population carcérale du pays.
Conséquences : un certain malaise gagne les prisonniers. Souvent, des bagarres éclatent entre les fondamentalistes et les « droits communs ». Ou contre les gardiens. Au plus fort de la deuxième vague du covid-19, la prison de Yaounde-Nkodengué avait carrément frôlé la mutinerie, à cause d’un mouvement de foule qui s’est dressé contre l’administration pénitentiaire, clamant l’urgence de séparer les prisonniers contaminés des autres détenus. Et d’améliorer, en prime, leurs conditions de détention.
Bien sûr, rien n’avait été fait et cette prison a fini par être « colonisée » par les cas du Covid, comme dans le reste du Cameroun – l’un des pays de l’espace francophone les plus touché par la pandémie. D’autres maladies ont fait leur apparition : paludisme, maladies de la peau, tuberculose, fièvre typhoïde… Récemment encore, c’est un autre “ovni” qui y est (re)venu en renfort pour mitrailler la santé des détenus : le choléra.
New Belle à Douala, l’un des pénitenciers le plus peuplés du pays ( 4700 détenus, majoritairement en attente de leur jugement ) en a payé le prix fort. Deux épidémies en un an. Une centaine de cas, une vingtaine de morts.
Les causes ? Toujours les mêmes : l’absence d’eau potable, le contact permanent avec les excréments, urines, déchets, eaux usées … et, surtout, une « maladie » commune à tous les Camerounais : l’incompétence de leur gouvernement, qui n’aurait toujours rien à se reprocher…