Le Correspondant

Liberia, « le si mal nommé »

Dans ce monde de zapping, où le futur est collé au présent, le journaliste, Christophe Naigeon, a décidé de « déterrer » un conflit oublié. La folle guerre civile du Liberia de 1991. Son roman, Kalash Mambo, raconte une histoire tout aussi folle. Celle d’un enfant soldat, dévoré par un désir de vengeance, qui tentera de survivre dans un monde encore plus fou…

 

Dernier survivant d’une attaque armée sur son village, Moe n’a qu’une seule idée : laver le sang des siens. Une seule amie : son arme – appelée Sister Beretta, en souvenir de sa petite sœur morte. Une image obsédante : un visage de femme – une cheffe du commando qui a massacré sa famille, en souriant. C’est Kalach Mambo. L’histoire à peine romancée d’un enfant soldat de 7 ans, obsédé par la vengeance de ses parents et engagé dans le tourbillon d’un conflit ravageur.

 

10 ans de guerre civile. 250 000 morts. Plusieurs centaines de milliers de déplacés et d’estropiés. Des familles entières coupées en rondelettes. Femmes, enfants, bébés. Trafics – armes, diamants, bois –, massacres, pillages… C’est une guerre d’autre âge, qui a produit les pires saloperies de l’histoire, issues des cogitations des sorciers affairistes. Leur credo ? Les rites anthropophages. Leur spécialité ? Transformer les brebis égarées en hommes-Léopards, qui se prennent pour des êtres invincibles.

 

Mois après mois, les jeunes combattants, dopés à la sorcellerie, se prennent pour ces ovnis de la légende et deviennent des machines de guerre. Derrière leur masques de tueurs, rien n’était de trop pour assouvir leurs « pulsions de morts » : machettes, sabres, décapitations, démembrement… Certains en arrivaient même à arracher le cœur des victimes et à se le servir au dîner, alors que l’ancien Président, Samuel K. Doe, était enfermé dans son palais, affairé à malmener les bonnes bouteilles du whisky !

 

Mais, nous a-t-on expliqué à la fin de la guerre, ce délire cannibalesque n’est qu’un simple rituel sacrificiel. Que que les tueurs étaient possédés par les masques qu’ils portaient. Et que la faute est aux démons qui habitent dans leur déguisement… mais certainement pas à la démence de la bêtise qui loge derrière leur masque.

 

C’est dans ce climat tout « serein » qu’on est plongé dans « Kalash Mambo », le destin hors du commun du jeune Moe, né Moise et devenu (c’est son nom de guerre) Hitler-Killer. Mais cet ouvrage est aussi une histoire émouvante. Racontée dans la douce musicalité qui caractérise la plume de l’auteur, une belle relation d’amitié jaillit de l’horreur, ferraillant sous la tyrannie de la folie et de la haine ritualisée.

 

Ne spolions pas notre confrère. Disons juste qu’un journaliste occidental entre en scène (dans le livre) et se prend d’affection pour le gosse. Ensemble, ils vont explorer la ville surpeuplée de Monrovia, la capitale. Chacun a son idée en tête : le journaliste enquête sur les tueurs et le gamin, rusé comme un renard, chevauche les investigations du reporter pour retrouver la tueuse de sa famille. Faisant de son acolyte un cheval de Troie. Lui permettra-t-il, sans le savoir, de surgir dans l’angle mort de la femme de ses cauchemars ?

 

Ce n’est pas la première fois que Christophe Naigeon lorgne sur le Liberia. Ce journaliste « africaniste », comme il se décrit, avait écumé « ce pays déchiré ». Trois longs voyages à partir de 1995, à l’époque où le sang coulait à gros bouillon. Trente-ans plus tard, il s’est retrouvé avec des « triplés » sur son CV. Trois livres étincelants : Liberia et Mamba point blue, outre le dernier né, Kalash Mambo.

 

Cette saga romanesque remonte aux racines du mal. Depuis le départ de Noirs libres d’Amérique pour l’Afrique qu’il fallait civiliser et débarrasser du ses vieux vices, elle explore l’un des histoires les plus atroces qu’ait connu l’Afrique contemporaine : l’esclavagisme, la sorcellerie, les « esprits libérateurs », les enfants-soldats…  l’histoire du Liberia, le si mal nommé !

 

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