Amra : le show sécuritaire de Darmanin

Transféré en hélicoptère à Vendin-le-Vieil, Mohamed Amra, narco évadé devenu l’homme le plus surveillé de France, inaugure malgré lui le nouveau quartier ultra-sécurisé de la prison. Une vitrine carcérale pilotée par Darmanin, entre démonstration de force et opération de communication.

 

Mohamed Amra, alias « La Mouche », figure du narcobanditisme français, échappé en mai dans une embuscade digne d’un polar mexicain, est désormais sous cloche. Ce jeudi, escorté par une noria de CRS, il a été déposé manu militari à bord d’un hélicoptère dans la prison ultra-sécurisée de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), dernier joujou carcéral du ministère de la Justice. Une prison vitrine, un quartier d’exception : pour Amra, c’est haute sécurité, haute symbolique et haute promo pour Gérald Darmanin.

 

Le ministre s’est empressé de tweeter l’atterrissage, comme un patron de multinationale annonçant le lancement d’un produit phare. Ce n’est pas un détenu, c’est un message. Ce n’est pas une incarcération, c’est une démonstration. Celle d’un État qui muscle sa communication autant que ses prisons.

 

Vendin-le-Vieil, surnommée à présent la « Guantanamo des narcos », a ouvert en fanfare un tout nouveau quartier pour 100 détenus sélectionnés comme les plus « toxiques » du pays. Une trentaine y est déjà entrée. Parmi eux : Amra, bien sûr, considéré comme l’un des plus dangereux après l’évasion meurtrière qui a coûté la vie à deux agents en mai. Son transfert depuis Condé-sur-Sarthe, autre forteresse pénitentiaire, s’est fait à grand renfort d’escortes, de blindés, d’encagoulés et d’hélices. Et le tweet ministériel en guise de fanfare.

 

« Ce sera particulier », a commenté prudemment David Lacroix, secrétaire local FO Justice. Autrement dit : on serre les dents. Car derrière les murs renforcés, les quartiers d’isolement et les portiques dernier cri, ce sont des hommes qui feront tourner la machine. Et le précédent de l’évasion d’Amra rappelle qu’un fourgon blindé ne pèse rien face à une kalach et un inside job bien huilé.

 

L’inspiration de ce modèle ? L’Italie et sa lutte contre la mafia, avec ses régimes spéciaux type 41-bis : isolement total, contacts humains réduits à peau de chagrin, surveillance vidéo continue, fouilles systématiques, activités limitées et parloirs sous surveillance renforcée. Le Conseil constitutionnel, mi-juin, a validé la légalité de ce modèle d’exception, à condition que les détenus aient encore des « liens actifs » avec le crime organisé. Autrement dit : présumé dangereux = enfermé comme dangereux.

 

Mais cette doctrine du « narco à part » ne fait pas l’unanimité. Des voix s’élèvent, discrètes mais tenaces, pour rappeler que si ces détenus sont bel et bien redoutables, les logiques d’exception sapent en silence les principes d’universalité du droit pénal. Une prison modèle n’est pas une prison d’exception. Ou du moins, elle ne devrait pas l’être.

 

En attendant, Gérald Darmanin a son trophée. Le pion central de l’évasion la plus sanglante de ces dernières années est sous cloche. La sécurité a un visage, la rigueur une géographie : Vendin-le-Vieil. Une prison où chaque transfert est une opération militaire, chaque arrivée une scène de communication. Et chaque prisonnier de marque, un argument de campagne.

 

La prochaine fois, peut-être, on ajoutera un tapis rouge et une conférence de presse.

 

 

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