Dix ans d’enquête, des millions en jeu et une galerie de co-prévenus au scénario improbable : Nicolas Sarkozy retourne ce jeudi devant le tribunal pour entendre le délibéré de l’affaire des financements libyens de sa campagne 2007. Entre carnets compromettants, virements mystérieux et pirouettes judiciaires, le feuilleton continue
Encore une fois devant le juge… Comme si l’agenda de Nicolas Sarkozy n’était pas déjà assez rempli entre selfies, conférences et émissions télé, le voilà qui reprend le chemin du tribunal ce jeudi 25 septembre, porte de Clichy, pour écouter le délibéré du procès du « financement libyen » de sa campagne de 2007. Et surprise : il ne sera pas seul, une dizaine de co-prévenus l’accompagnent dans ce feuilleton judiciaire, qui dure depuis plus d’une décennie.
Dans ses réquisitions, le procureur n’a pas fait dans la nuance : sept ans de prison, 300 000 euros d’amende, cinq ans d’inéligibilité. Si ça ne vous fait pas lever un sourcil, sachez que les chefs d’accusation sont un joli cocktail pour cocktail-party judiciaire : recel de détournement de fonds publics, corruption passive, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs.
Tout commence en 2012, quand Mediapart publie une note explosive : un ex-chef des services secrets libyens balance qu’un pactole de 50 millions d’euros était destiné à « appuyer la campagne » de Sarkozy. Baghdadi al-Mahmoudi, ex-Premier ministre libyen, et Ziad Takieddine, récemment décédé, viendront compléter le tableau. Paris ouvre l’enquête en 2013 et c’est parti pour un marathon judiciaire.
Le Parquet national financier y va de sa prose : l’ancien président aurait signé « un pacte de corruption faustien avec un des dictateurs les plus infréquentables de ces 30 dernières années », histoire de nourrir ses « ambitions politiques dévorantes ». Voyages à Tripoli, rencontre avec Kadhafi, retour triomphal de la Libye sur la scène internationale, protection du beau-frère du Guide…
Bien sûr, Sarkozy campe son rôle de martyr : « Dix années de calomnie, 48 heures de garde à vue, 60 heures d’interrogatoire… et on a trouvé quoi ? Rien. Pas un centime libyen. » L’ancien président transforme la négation en art de vivre, avec la constance d’un horloger de Neuilly.
Mais le dossier est moins tranquille qu’il n’y paraît : Bechir Saleh exfiltré comme un VIP gênant, agendas du ministre du Pétrole libyen retrouvés dans le Danube avec des mentions de virements pour « Sarkozy », carnets compromettants… De quoi faire passer la version innocence totale pour un sketch mal écrit.
Côté co-prévenus, le festival des explications improbables bat son plein. Hortefeux et Guéant seraient victimes d’un « guet-apens » avec le beau-frère de Kadhafi, les chambres fortes, c’est pour stocker… des discours, Thierry Gaubert et sa villa colombienne… le tout sonne comme une mauvaise blague.
Quant à Alexandre Djouhri, il est présenté comme « sympathique », mais probablement l’architecte en chef de la corruption. Avec Bechir Saleh, Wahib Nacer et des hommes d’affaires saoudiens, il aurait orchestré le transfert de 500 000 euros provenant de Libye, permettant à Guéant d’acheter un appartement parisien. Sa version ? Vente de deux tableaux introuvables. Bon courage pour la traque.
Takieddine, Djouhri… des habitués des scandales croisés, déjà connus de l’affaire Karachi. Et Takieddine avait tenté le grand numéro en 2020 : rétractation de dix ans d’accusations, avant de corriger ses propos deux mois plus tard. La justice y voit une jolie tentative de subornation de témoins, touchant Sarkozy, Carla Bruni-Sarkozy et la star de la presse people Mimi Marchand.
Alors ce jeudi, rendez-vous au tribunal pour savoir si cette décennie de virements mystérieux, de carnets compromettants et de retournements théâtraux se conclura par un carton rouge judiciaire ou un nouveau round de dénégations et de pirouettes verbales. En attendant, le septuagénaire continue de transformer chaque comparution en un numéro de haute voltige, avec la grâce d’un funambule sur un fil de scandales.