Faire une vanne sur un hadith, en Turquie, c’est comme avaler un verre de travers : ça étouffe. Bogac Soydemir, humoriste franco-turc, et le rappeur Enes Akgunduz en ont fait l’amère expérience. Sur YouTube, ils lisent un commentaire moqueur du hadith « le vin est la mère de tous les maux ». Rire bref, polémique immédiate, tribunal expéditif. Les procureurs parlent d’« incitation à la haine religieuse », les deux hommes jurent au contraire qu’ils n’ont fait que répéter une boutade d’internaute. Vidéo supprimée, excuses servies… mais trop tard : la justice turque n’aime pas le second degré.
Ce n’est pas un cas isolé. La Turquie d’Erdogan raffole de ces procès où l’humour est classé au rayon des délits. Le magazine satirique Leman a déjà vu ses dessinateurs arrêtés pour un croquis jugé blasphématoire. À Ankara, l’humour se déguste désormais au tribunal, menotté et tiède, pendant que le président transforme chaque sourire en crime d’État.
Moralité : si le vin est la mère de tous les maux, la blague est bien la fille unique de la prison. Et tant qu’Erdogan se prendra pour le sommelier en chef du palais, chaque trait d’esprit finira bouchonné derrière les barreaux.