Maroc : jusqu’à 15 ans de prison pour avoir rêvé de changement

Au Maroc, la jeunesse brûle d’impatience, mais c’est elle qu’on jette au feu. Depuis fin septembre 2025, le collectif “Gen Z 212” secoue les rues du pays pour dénoncer la corruption, le chaos des hôpitaux et la faillite du système éducatif. Leur mot d’ordre : trop, c’est trop. Pourtant, ce cri pacifique s’est vite transformé en cauchemar judiciaire. Derrière les banderoles et les slogans, la réponse de l’État a été brutale : arrestations massives, procès expéditifs, peines de prison qui rappellent d’autres époques.

 

Selon l’Association marocaine des droits humains (AMDH), plus de 2 000 manifestants ont été interpellés. Près de la moitié sont encore derrière les barreaux. 330 mineurs ont connu la garde à vue, certains expédiés dans des centres de “protection sociale” — un euphémisme pour dire qu’ils sont punis pour avoir voulu un avenir meilleur. Human Rights Watch parle carrément de “répression violente”.

 

Les juges n’ont pas tremblé. À Agadir, trois jeunes ont pris 15 ans de prison, un autre 12 ans, neuf autres 10 ans. Leurs crimes ? Des voitures brûlées, des routes bloquées, des cris de colère. À Salé, certains écopent de 20 ans pour “vandalisme”. D’autres, à Tanger ou Berkane, reçoivent un ou deux ans fermes pour avoir jeté des pierres ou chanté trop fort. Un jeune d’Agadir a même été condamné à 14 ans de prison et 50 000 dirhams d’amende pour avoir publié des messages sur les réseaux sociaux. Le numérique devient ainsi une arme… contre ses propres utilisateurs.

 

Pendant ce temps, les dirigeants appellent au calme. Le roi Mohammed VI, dans un discours solennel le 10 octobre, a promis des réformes et un budget colossal pour la santé et l’éducation. Mais sur le terrain, les tribunaux étouffent le souffle d’une génération. Les procès s’enchaînent, les familles pleurent, et les ONG parlent de “justice punitive”. À Tanger, 80 jeunes — dont 30 mineurs — ont vu leur demande de libération provisoire refusée.

 

Le message est clair : au Maroc, rêver de changement peut valoir plus cher qu’un crime. La génération Z, celle qui n’a connu que les promesses sans lendemain, découvre que revendiquer la dignité peut coûter 15 ans de vie. Sous couvert de “maintien de l’ordre”, le pouvoir transforme la frustration sociale en délit politique. Et dans les rues vidées de leurs manifestants, ne résonne plus qu’une question : combien de temps encore avant que le silence ne se brise à nouveau ?

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