Et si tout cela signait la fin de Nemour ?

La grammaire est rôdée : une championne surdouée, blessée, humiliée, brimée par une institution rétrograde. Et puis la délivrance. Kaylia Nemour claque la porte d’Avoine-Beaumont, ce club qui l’a hissée au sommet avant de l’écraser. Elle prend la parole. Elle accuse. Elle s’émancipe.

 

Et après ? Rien.

 

Car une fois la catharsis médiatique passée, reste une réalité crue, brute, implacable : cette rupture ressemble moins à un rebond qu’à une sortie de route. Car tout dans cette affaire – la violence du divorce, l’isolement, la surexposition médiatique, les blessures à répétition – laisse entrevoir non pas une nouvelle ascension, mais une descente en spirale.

 

Le club était-il toxique ? Très probablement. Quand une gymnaste de 16 ans doit faire le tour de la salle pour « s’excuser » d’une faute technique, on n’est plus dans l’exigence, mais dans l’humiliation. Quand on conditionne ses compétitions à des « loyautés » suspectes, on n’est plus dans le sport, mais dans le chantage. Oui, Avoine-Beaumont porte une lourde part de responsabilité.

 

Mais s’imaginer que la solution viendrait simplement d’un changement de structure, c’est confondre l’issue de secours et la ligne d’arrivée. Nemour ne quitte pas seulement un club : elle quitte un écosystème qui, malgré ses vices, l’a portée, protégée, encadrée. On oublie trop vite que l’or olympique ne tombe pas du ciel – et que dans un sport où le corps est une machine d’une précision chirurgicale, la moindre instabilité coûte des années.

 

Depuis son départ pour l’Algérie, la jeune prodige a enchaîné les performances historiques… et les alertes. Genou fragile, dos douloureux, enchaînements allégés, préparations précipitées. À Paris, elle décroche l’or aux barres… mais le reste s’effondre. Derrière l’exploit, on sent déjà la corde tendue à craquer. Et aujourd’hui, avec la fin d’Avoine-Beaumont, c’est peut-être aussi la fin d’un encadrement structuré. Qui, désormais, l’entraîne ? Où s’entraîne-t-elle ? Quel staff médical l’accompagne ? Qui pense à 2028 pendant que tout le monde applaudit 2024 ?

 

Le problème avec les scandales, c’est qu’ils font oublier la suite. Et la suite ici, elle fait peur. Parce qu’on sent une immense solitude. Parce qu’on ne reconstruit pas une carrière d’élite sur une rupture affective. Parce que le sport de haut niveau ne pardonne pas les états d’âme, aussi légitimes soient-ils.

 

On peut changer de club, dénoncer, libérer sa parole. Et avoir raison. Mais avoir raison ne fait pas gagner des médailles. Et tout indique que Kaylia Nemour, aussi brillante soit-elle, vient peut-être de franchir un point de non-retour. Une fin discrète, sans chute, sans drame. Juste ce moment où la lumière s’éteint, lentement, après avoir trop brûlé

 

C’est ça, la vraie question qu’on n’ose pas poser : et si tout cela, malgré le courage, malgré le talent, malgré l’or, signait en fait la fin de Nemour ?

 

 

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