Gilbert Collard est toujours prompt à sortir la tronçonneuse là où une lime à ongles suffirait. Le 15 octobre 2025, l’ancien avocat devenu amuseur d’extrême droite a posté sur X (ex-Twitter) une image du drapeau algérien flanqué d’un gros chiffre : 2 milliards d’euros. En dessous, sa légende subtile comme un tank :
« On attend quoi pour le déchirer en mille morceaux ? »
Chez lui, la nuance est un concept aussi exotique que la diplomatie. Mais de quoi parle-t-il ? Du drapeau ? De l’accord franco-algérien de 1968 ? Ou du pays tout entier, tant qu’à faire ? Avec Collard, tout est possible : il découpe large.
Le rapport qui fait tousser Alger… et saliver Collard
Son inspiration du jour vient d’un rapport parlementaire tout frais, signé par deux macronistes, Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, qui chiffrent à 2 milliards d’euros par an le coût de l’accord franco-algérien de 1968.
Ce texte, censé réguler l’immigration après l’indépendance, accorde toujours un statut spécial aux Algériens en France. Et comme l’administration adore les zones grises, personne ne sait exactement combien tout cela coûte.
Les rapporteurs suggèrent de renégocier, voire de dénoncer cet accord. Collard préfère la solution textile : déchirer. Subtilité, quand tu nous tiens.
“Le” drapeau ou “l’accord” ? Collard se perd dans la grammaire
Officiellement, le “le” de “le déchirer” renverrait à l’accord (masculin). Mais en plaçant sa phrase sous un drapeau vert-blanc-rouge frappé du croissant, Collard s’assure que chacun y voit ce qu’il veut.
Un jeu dangereux, certes, mais calculé : flatter les anti-immigration, énerver les Franco-Algériens, attiser la nostalgie coloniale de certains de ses suiveurs, et rappeler qu’il existe encore.
Il faut dire qu’en matière d’ambiguïté, l’homme est un artisan. En 2022 déjà, il dénonçait l’enseignement de “la haine de la France” en Algérie. Trois ans plus tard, il recycle le vieux refrain : l’Algérie nous coûte cher, coupons tout – les vivres ou le drapeau, ou les deux.
X, ce grand café du commerce numérique
Résultat : plus de 2 000 likes, 500 retweets, et un fil de commentaires digne d’un forum de bistrots.
Les uns applaudissent : “Enfin un qui ose !”, les autres s’étranglent : “C’est ton foie qu’on va déchirer, vieux débris !”
Entre les deux, quelques esprits rationnels rappellent que 2 milliards, c’est à peu près le prix d’un Rafale, ou de trois campagnes présidentielles de Sarkozy. Mais Collard s’en moque : il a obtenu ce qu’il voulait — du bruit. Dans son théâtre permanent, peu importe le sens, seule compte la scène.
Collard, tailleur de drapeaux et couturier de polémiques
Soyons justes : Gilbert Collard n’est pas un idéologue, c’est un artisan du scandale. Il découpe les symboles comme d’autres découpent les costumes : grossièrement, mais avec application.
Son “déchirer” n’est pas une menace, c’est un effet de manche, un claquement de rideau. Le problème, c’est que ce genre de théâtre laisse souvent des cendres sur la scène. Car derrière la bravade, se cache toujours la même rengaine : l’Algérie comme exutoire, le drapeau comme chiffon, et l’électorat d’extrême droite comme cible marketing. Collard fait du Collard, en somme : bruyant, vide et rentable.
Morale de l’histoire : le seul drapeau vraiment déchiré, ce jour-là, c’est celui de la décence politique. Et Gilbert Collard ? Toujours prêt à aiguiser ses ciseaux, pour le plus grand plaisir des réseaux sociaux et le plus grand désespoir du bon sens.






