La ministre de la Culture est renvoyée devant la justice pour corruption, recel d’abus de pouvoir et trafic d’influence. À neuf mois des municipales, ni l’Élysée ni Les Républicains ne veulent la lâcher, entre peur de ses colères et calculs électoraux. Silence gêné pour un procès explosif.
Le 22 juillet 2025, le couperet est tombé avec une discrétion assourdissante : Rachida Dati, ministre de la Culture, est renvoyée devant le tribunal correctionnel pour corruption, trafic d’influence, recel d’abus de pouvoir et abus de confiance. Une salve d’accusations qui, dans n’importe quelle démocratie occidentale, aurait provoqué une onde de choc au sommet de l’État. En France, elle a accouché d’un silence stratégique. À droite, on détourne les yeux ; dans le camp présidentiel, on parle de « présomption d’innocence » en regardant ses chaussures. Le plus bruyant dans cette affaire ? Les clics sur les publicités de fauteuils en velours.
Il y a quelques mois à peine, Rachida Dati se dressait sur le plateau de France 5 comme une procureure de plateau télé, foudroyant Patrick Cohen pour avoir osé rappeler qu’elle était mise en cause par la justice. Elle menaçait de sortir l’article de loi, de traîner le journaliste devant les tribunaux pour harcèlement, comme s’il avait diffamé Jeanne d’Arc. L’ancienne garde des Sceaux avait oublié une chose : les juges, eux, ne sont pas sur le plateau de C à vous sur France 5.
Et voilà que les magistrats du Parquet national financier viennent ruiner sa partition. 900 000 euros versés entre 2010 et 2012 par une filiale de Renault-Nissan pour des prestations d’avocate à la fois nébuleuses et juridiquement incompatibles avec son mandat de députée européenne. Ce n’est plus une affaire, c’est un cas d’école de conflit d’intérêts. Et pourtant, personne ne moufte.
Le silence comme stratégie
Pas un mot de Bruno Retailleau, si prompt à s’indigner des moindres dérapages verbaux macronistes. Pas d’indignation du camp présidentiel, qui préfère fermer les yeux sur une ministre mise en examen et désormais renvoyée en procès. Gérald Darmanin, toujours habile à jouer l’ambiguïté, s’est même fendu d’un compliment gêné sur TF1 : « J’ardemment souhaite qu’elle soit maire de Paris ». Une manière de dire : on est embêtés, mais on garde le sourire.
« L’intimidation permanente », confie un élu Renaissance à demi-mot, sous couvert d’anonymat. « La peur de se faire harceler… Personne ne veut être sa cible. » Le style Dati, c’est la menace sous talons aiguilles : gouaille, contre-feu, plainte brandie comme un glaive. Le vide sidéral de la réaction politique tient autant à sa position qu’à sa réputation.
Paris, capitale de tous les arrangements
Côté coulisses, l’affaire Dati tombe très mal. À neuf mois des municipales, la ministre de la Culture se rêve en Jeanne d’Arc de la droite parisienne, sous bannière commune avec la macronie. Une alliance contre-nature mais qui a le mérite de faire tenir la boutique : Paris reste un bastion imprenable pour les macronistes, orphelins de candidat depuis que Gabriel Attal a décliné la bataille. Dati, malgré son casier judiciaire en formation, offre une solution clé en main.
« Ce n’est pas un très beau départ de campagne, mais ça arrange tout le monde », glisse un sénateur LR. « Elle est là, elle a l’ego, elle veut y aller, et on n’a personne d’autre. » Le cynisme a rarement été aussi assumé. Le plus probable ? Une candidature Dati tolérée à droite, soutenue mollement par la majorité, et tue par tous.
L’attaque comme défense
Pas question pour Dati de se laisser marcher dessus. Sur LCI, la ministre dégaine ses éléments de langage comme des shurikens : « procédure émaillée d’incidents », « atteintes aux droits de la défense », « instrumentalisation judiciaire ». En clair : les juges ne comprennent rien, tout ça est politique, et je suis la cible parce que je suis moi.
Son entourage agite déjà l’idée d’une cabale, certains laissant entendre que ses ambitions parisiennes gênent. L’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy se voit toujours en haut de l’affiche, et si sa candidature devait être compromise, elle n’exclut pas d’aller au clash avec sa propre famille politique. Michel Barnier, en embuscade dans la 2e circonscription de Paris, pourrait bien être pris en tenaille par celle qui n’a jamais reculé devant une opération kamikaze.
Macron, l’exemplarité à géométrie variable
Rappelons-le : en 2017, Emmanuel Macron promettait la démission immédiate de tout ministre mis en examen. En 2025, il « prend acte » d’un renvoi en procès. Le président de la République, artisan du recyclage à tous les étages, s’est accommodé de beaucoup de choses. Mais là, il franchit une nouvelle étape : celle de la dissociation totale entre les paroles et les actes.
La ministre reste donc en poste, entourée de silence, de calculs et de demi-mots. Elle prépare sa campagne, elle conteste les charges, elle invective les journalistes.
Bref, elle fait du Dati.