Au royaume où le roi se proclame descendant direct de Dieu, et où la charia dicte la loi, oser critiquer l’islam équivaut à un crime. Ibtissame Lachgar, militante féministe et icône de la liberté, a payé au prix fort son t-shirt provocateur. Placée en garde à vue, elle incarne le combat de ceux qui refusent la servitude religieuse et l’autoritarisme d’État.
Au Maroc, critiquer l’islam ou l’autorité religieuse du monarque relève du délit. Dans ce royaume où le roi, Mohammed VI, porte le titre de commandeur des croyants et revendique une filiation avec le prophète, la religion et l’État ne font qu’un. La militante féministe Ibtissame Lachgar en a fait l’amère expérience.
Dimanche, elle a été placée en garde à vue pour avoir porté un t-shirt affichant la phrase « Allah is lesbian ». Un slogan qui, selon ses soutiens, visait à dénoncer l’homophobie et le patriarcat religieux.
Lachgar risque, d’après le Code pénal marocain, jusqu’à cinq ans de prison pour « offense à l’islam ». Les poursuites ne portent pas sur les menaces de viol ou de mort qu’elle a reçues sur les réseaux sociaux, mais sur son t-shirt. Une inversion des priorités qui illustre le poids du sacré dans la justice marocaine.
Dans ce système, la liberté d’expression est encadrée par la loi et les textes religieux. La Constitution marocaine reconnaît l’islam comme religion d’État, et le roi comme protecteur de la foi. Remettre en cause ce cadre, c’est s’exposer à la répression. Derrière l’image de modernité vantée à l’international, le pouvoir conserve un appareil judiciaire prompt à sanctionner toute parole jugée blasphématoire.
Ibtissame Lachgar devient ainsi un symbole malgré elle : celui d’une lutte contre un mélange d’autoritarisme politique et de conservatisme religieux. Son t-shirt ne lui vaudra peut-être pas la prison à vie, mais dans ce Maroc-là, il vaut déjà condamnation sociale. La laïcité n’y a pas droit de cité, et la liberté d’expression marche pieds nus sur un sol miné.