Un nouveau document classé secret pendant plus de 60 ans vient d’être rendu public. Il révèle que George Joannides, agent de la CIA à Miami, avait eu des contacts directs avec Lee Harvey Oswald, l’homme accusé d’avoir tué le président John F. Kennedy. Or Joannides avait ensuite été chargé, en toute discrétion, de superviser l’enquête parlementaire sur l’assassinat. Une dissimulation majeure que la CIA a couverte pendant des décennies.
Dans le cadre des dernières déclassifications ordonnées par Donald Trump, et réalisées au compte-goutte au gré de la numérisation des archives, un nouveau document paru en ligne ce jeudi, comme le rapporte le média américain Axios, confirme pour la première fois que George Joannides, agent de la CIA chargé de superviser des groupes anticastristes à Miami, avait bien connaissance de Lee Harvey Oswald avant l’assassinat de John F. Kennedy, dans le cadre des activités politiques menées par ce dernier en faveur de Cuba.
Une révélation explosive, car Joannides n’était pas un simple exécutant : c’est lui qui fut désigné comme interlocuteur de la CIA auprès du Congrès américain, quinze ans plus tard, lors de l’enquête parlementaire sur le meurtre du président. Sans jamais révéler son rôle. Ni à la commission. Ni au public
Trois balles, un bouc émissaire
Le 22 novembre 1963, à Dallas, trois coups de feu claquent depuis le sixième étage du Texas School Book Depository. Moins d’une heure plus tard, Lee Harvey Oswald est arrêté. Deux jours plus tard, il est abattu à bout portant, en direct à la télévision. L’affaire est enterrée avant même d’avoir été autopsiée : Oswald aurait agi seul, poussé par sa haine de l’Amérique et son admiration pour Fidel Castro.
C’est la thèse officielle, rédigée au pas de charge par la commission Warren en 1964, commandée par Lyndon Johnson. Aucun complot, aucune faille dans la sécurité, et surtout aucune compromission des services fédéraux. Un conte de fées glacé, pour enfants très sages.
1979 : la faille dans le vernis
Il faudra attendre 1979 pour qu’une commission d’enquête du Congrès – le House Select Committee on Assassinations – ose dire tout haut ce que beaucoup soupçonnaient depuis longtemps : « il est probable que le président Kennedy ait été assassiné à la suite d’un complot ». Pas de quoi renverser l’histoire officielle, mais une brèche était ouverte.
Ce que la commission ignorait à l’époque, c’est que l’un des agents chargés par la CIA de répondre à ses questions… était lui-même impliqué dans les événements de 1963. Il s’appelait George Joannides. Et il avait toutes les raisons de garder le silence
Joannides, l’agent double de la vérité
En 1963, Joannides était le référent de la CIA pour le Directoire des étudiants cubains (DRE), un groupe anticastriste radical basé à Miami, financé et téléguidé par Langley. Ce même DRE qui avait confronté Oswald quelques mois avant l’assassinat, à La Nouvelle-Orléans, lors d’une opération de tractage en faveur de Castro.
L’incident avait été filmé, documenté, médiatisé. Le DRE avait joué un rôle clé dans la fabrication de l’image d’un Oswald “pro-Castro” dangereux et déséquilibré, image reprise aussitôt par la presse après le drame de Dallas. Ce que l’on découvre aujourd’hui, c’est que Joannides coordonnait tout ce petit monde sous couverture.
Nom de code : “Howard Gebler”
Un mémo de la CIA daté du 17 janvier 1963, révélé cette semaine dans les archives déclassifiées, ordonne explicitement à George Joannides d’opérer sous le nom d’emprunt “Howard Gebler” pour ses activités auprès du DRE.
Ce détail a toute son importance : lors de l’enquête parlementaire des années 1970, Joannides a nié l’existence d’un agent nommé “Howard” opérant dans ce cadre à Miami. Il a même promis qu’il “continuerait à chercher”. Il n’a évidemment rien dit. Et pour cause : il se cherchait lui-même.
L’homme qui devait surveiller sa propre ombre
Là où l’affaire prend des allures de mauvais roman d’espionnage, c’est que George Joannides est celui que la CIA a choisi pour superviser l’accès aux documents sensibles lors de l’enquête du Congrès. L’homme qui savait tout… et qui n’a rien dit. L’homme qui a menti sous serment, par omission. Et l’homme qui a réussi, jusqu’à sa mort en 2001, à faire croire qu’il n’était qu’un rouage administratif.
Selon Robert Blakey, avocat de la commission parlementaire et auteur de la formule selon laquelle Kennedy a “probablement été victime d’un complot”, Joannides a saboté l’enquête de l’intérieur. Il n’a rien divulgué de ses liens avec le DRE, ni de ses échanges avec Oswald, ni de ses missions secrètes de 1963. La CIA, de son côté, n’a rien corrigé.
La vérité, déclassifiée mais encore verrouillée
« La couverture de Joannides est officiellement terminée », a déclaré cette semaine Jefferson Morley, historien et journaliste, spécialiste de l’assassinat de Kennedy. Il parle d’un “événement majeur”, qui relance la méfiance envers la version officielle.
Anna Paulina Luna, représentante républicaine du Congrès et membre de la commission actuelle sur les archives Kennedy, a été plus directe : « Il est désormais certain à 1000 % que Joannides était impliqué dans une opération de dissimulation de l’agence de renseignement. »
Complot or not ?
Cette nouvelle révélation n’apporte pas la preuve d’une conspiration pour assassiner Kennedy. Mais elle prouve que la CIA a délibérément masqué des informations essentielles à l’enquête, en confiant la surveillance des preuves à un agent directement impliqué.
Pour Gerald Posner, biographe d’Oswald, la question n’est plus celle de la complicité, mais celle de l’entrave : « La vraie question n’est pas de savoir si l’agence était complice, mais si elle a été négligente. »
Mais une négligence qui dure soixante ans, qui repose sur des fausses identités et des mensonges officiels, peut-elle encore s’appeler négligence ?
La version officielle : une fiction très classée
Aujourd’hui, une chose est certaine : la version officielle de l’assassinat de Kennedy était incomplète, édulcorée, et en partie fabriquée. Les documents découverts ne changent pas la date du tir, mais ils changent la date du mensonge.
Il ne s’agit plus de savoir qui a tiré à Dallas. Il s’agit de savoir qui a tout fait pour que personne ne puisse le savoir.