À New York, le 26 septembre 2025, l’Assemblée générale de l’ONU aurait dû être le moment solennel du show annuel israélien : Benjamin Netanyahou, cartes à la main, discours calibré et posture de général en campagne. Au lieu de ça, il a découvert un phénomène rarissime pour un chef d’État : l’indifférence collective. Plus de cent diplomates, représentant plus de cinquante pays, ont quitté la salle comme si une alerte à la fumée venait de retentir. Pas de protestation tonitruante, pas de slogan : juste un mouvement de masse d’un silence décisif, aussi brutal qu’un refus de serrer la main.
La sortie fut parfaitement orchestrée. Iran, Turquie, Jordanie, Qatar, Liban, Syrie, Égypte, Algérie, Arabie saoudite, Pakistan, Indonésie, Malaisie, Afrique du Sud, Brésil, Irlande, Espagne, Norvège… la liste des absents ressemblait à un bulletin météo planétaire pour tempête diplomatique. À l’initiative de la mission palestinienne, cette sortie a vidé la salle de toute caution morale. Le représentant brésilien, keffieh palestinien en bandoulière, a ajouté une touche finale au message : “Le monde regarde, et il ne veut plus jouer les figurants.”
Qui restait ? Les États-Unis, applaudissant avec un enthousiasme qui ressemblait plus à de la survie politique qu’à de la conviction. Le Royaume-Uni, par réflexe protocolaire, envoyait ses subalternes. Quelques micro-délégations complétaient le tableau, mais leur présence ne faisait que souligner l’isolement croissant d’Israël. Netanyahou n’était plus face à une assemblée, mais à une scène vide où chaque siège déserté criait “assez”.
Son discours, fidèle à lui-même, n’a offert aucune surprise : attaques contre l’Iran, justification des bombardements, autopositionnement en victime d’un monde soi-disant antisémite. Pendant qu’il gesticulait avec ses graphiques, le monde regardait déjà ailleurs : les images de Gaza, les hôpitaux détruits et les familles ensevelies sous les gravats valaient mieux que mille tableaux Excel. La rhétorique militaire et les diatribes contre l’“antisémitisme universel” ne masquaient plus qu’une réalité simple : l’isolement croissant d’Israël est désormais tangible et visible.
Même des pays naguère prudents — France, Canada, Australie — ont participé à la sortie, après avoir reconnu l’État palestinien. L’Irlande et l’Espagne, longtemps spectatrices, ont parlé avec force. La coalition qui s’est levée — du Maroc à la Slovénie — n’est plus seulement une protestation : c’est un basculement planétaire, un refus de cautionner des politiques qui échappent à tout cadre moral ou légal.
L’ONU, pour une fois, a servi de miroir sans fard. Netanyahou, seul devant des rangées de sièges désertés, a découvert que le prestige ne se décrète pas. Les États-Unis peuvent continuer à battre des mains, mais ce sont désormais des applaudissements solitaires, trop maigres pour masquer le fossé qui se creuse.
En quittant la salle, les diplomates ont fait plus que protester : ils ont signé le verdict. Et pour Netanyahou, cette Assemblée générale restera un exercice d’illusion : un dirigeant convaincu de sa stature mondiale, confronté à la froide réalité d’un monde qui ne l’écoute plus.