Ce matin-là, Phnom Penh bruisse encore des dernières illusions. Dans les rues, des enfants jouent, des soldats fument à l’ombre des bougainvillées, des journalistes empaquettent leur matériel. Le silence est étrange. On entend plus de murmures que de tirs. Le 17 avril 1975, Phnom Penh ne tombe pas dans un fracas de bombes mais dans une mise en scène troublante, presque douce. Puis tout bascule.
Ils sont jeunes, crâne rasé, kalachnikov en bandoulière, sandales de pneu aux pieds. Ils ne sourient pas. On ne les attendait pas aussi tôt. Ce sont les Khmers rouges, ces ombres armées sorties des campagnes, enveloppées de mystère et de promesses rurales. Leur entrée dans la ville est un leurre soigneusement orchestré : avec leurs haut-parleurs sur des camions, ils prétendent que les Américains vont bombarder la ville et qu’il faut l’évacuer. Trois jours, jurent-ils. Juste le temps de souffler. Deux millions de personnes leur obéissent. L’exode commence. Il ne s’arrêtera plus.
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