À la Santé du condamné… Sarkozy

On n’imagine pas un ancien président franchir le seuil d’une prison avec la même sérénité que l’on traverse le perron de l’Élysée. Pourtant, le 21 octobre 2025, Nicolas Sarkozy a été confronté à cette réalité. Cinq ans de détention ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de 2007 : un jugement historique qui fait de lui le premier chef d’État français emprisonné depuis Philippe Pétain. Le geste des magistrats n’a rien d’anodin : il secoue un socle symbolique, celui d’une autorité qui semblait jusqu’alors intouchable, et interroge le pays sur la manière dont il traite ses anciens souverains électifs.

 

Sarkozy, placé dans une cellule de neuf mètres carrés du quartier VIP, observé 24 heures sur 24, n’est pas réellement isolé. À ses côtés, un cortège invisible mais puissant : les messages de soutien, les visites encadrées, les journalistes et personnalités qui s’indignent pour lui. Le départ du domicile familial, sous les acclamations de ses fils et d’une centaine de sympathisants entonnant La Marseillaise, ressemblait à une scène sortie d’un roman d’histoire contemporaine. Sur X, le message de l’ancien président ne laissait pas de place au doute : « Ce n’est pas un ancien président que l’on enferme ce matin, c’est un innocent. » Innocent ou pas, le symbole est fort : l’ancien président est désormais un citoyen comme un autre, soumis aux rigueurs de la loi.

 

La politique comme garde-fou ou comme tremplin

Le geste le plus scruté vient naturellement du sommet de l’État. Emmanuel Macron a reçu Sarkozy pour un entretien privé quelques jours avant l’incarcération. L’Élysée présente l’entretien comme un simple acte humain, mais certains y voient un signal ambigu : peut-on rencontrer un président condamné sans que cela ne s’apparente à une forme d’accompagnement moral ? Les critiques fusent. Olivier Faure parle d’« anomalie », La France insoumise et les écologistes d’« ingérence ». Sur X, le débat s’emballe : les partisans de Sarkozy parlent de fraternité républicaine, ses opposants dénoncent un traitement de faveur.

 

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, annonce sa visite prochaine pour s’assurer des « conditions de sécurité ». Une démarche qui illustre à la fois le souci de l’État et la fragilité de la perception publique : la séparation des pouvoirs est scrutée sous la loupe et toute maladresse devient polémique.

 

La droite en ordre de bataille

Au sein des Républicains, le soutien à Sarkozy est unanime mais calibré. Éric Ciotti évoque « une pensée amicale », Xavier Bertrand souligne son estime et Rachida Dati parle d’« acharnement » injustifié. Laurent Wauquiez réclame un débat sur l’exécution provisoire des peines, tandis que Christian Jacob et François Baroin publient une lettre de reconnaissance pour l’homme d’État. Même Michel Barnier et Nicolas Dupont-Aignan s’invitent au concert de soutien, rappelant que Sarkozy reste une figure tutélaire. Chaque mot, chaque geste est calculé pour exprimer loyauté sans compromettre l’image de sérieux ou de légalité.

 

Le rôle des médias

Les chaînes d’info en continu et les éditorialistes se font l’écho de cette solidarité. Pascal Praud sur CNews dénonce une « justice spectacle », reçoit ses invités fidèles, et rend visible un camp pro-Sarkozy sur les plateaux. Alain Duhamel, sur BFMTV, appelle à une réflexion sur les peines infligées aux figures publiques : « Nous ne sommes pas faits pour la prison, nous ne sommes pas des animaux. » Franz-Olivier Giesbert publie dans le Point un éditorial titré « Sarkozy, le bouc émissaire », dénonçant l’acharnement et saluant sa stature politique. Dans le même temps, le Canard enchaîné raille les excès de cette loyauté médiatique, évoquant l’ancien président comme un roi déchu sous surveillance.

 

Sur X, la bataille est numérique. Les hashtags #SoutienSarkozy et #LibérezSarkozy dominent, tandis que les critiques fustigent « la justice de classe » et rappellent les controverses passées de l’ancien président. Les posts se multiplient, les threads s’étendent, et les réactions s’échangent avec la violence contenue des réseaux sociaux, entre compassion, indignation et polarisation politique.

 

Entre humanité et symbolisme

Dans la prison, Sarkozy écrit, lit et reçoit quelques visites. Les soutiens sont là, visibles ou invisibles, moraux et affectifs. Mais le symbole domine : la France assiste à l’inflexion du destin d’un homme qui incarnait la puissance et la maîtrise. Les débats sur la dignité présidentielle, la séparation des pouvoirs et la fermeté judiciaire s’amplifient. La justice a fait son choix, la société s’interroge et se divise.

 

En définitive, ce portrait de Nicolas Sarkozy à la Santé illustre un paradoxe : un homme isolé dans sa cellule, mais entouré d’un réseau puissant prêt à défendre son honneur, et une France captivée, qui applaudit, s’indigne et discute. Le roi est nu, certes, mais la cour demeure, attentive, polarisée et vigilante. Chaque geste, chaque parole, chaque soutien devient un repère dans un paysage politique et judiciaire en pleine tempête.

 

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