Premier grésil sur les toits, et soudain le message qui tombe comme une pierre froide : Xavier Emmanuelli est mort, ce 16 novembre. À 87 ans, le médecin qui avait fait de la rue son service de garde permanent s’effondre dans la capitale, victime d’un malaise — sans doute le cœur, ironie cruelle pour un homme qui en avait tant donné. Ce n’est pas juste un décès : c’est un pan entier de l’humanitaire français qui se découd.
Il faut imaginer une France qui proclame la solidarité à l’antenne mais la rogne en notes de bas de page budgétaires. Dans ce paysage-là, Emmanuelli n’était ni un saint empaillé ni un philanthrope en gants blancs : il servait de boussole. SAMU Social, Médecins Sans Frontières, ministères : où qu’il se tienne, il visait les « invisibles », ceux que la société efface si bien qu’ils ne disparaissent même plus — ils s’étiolent.
Enfance sous la clandestinité
Il naît à Paris en 1938 mais pousse dans un souffle plus large : Zalana, Propriano, l’ombre portée de la Résistance. Père instituteur devenu médecin, mère institutrice, deux résistants qui cachent des enfants juifs. Dans la maison Emmanuelli, on ne théorise pas la solidarité : on la pratique. Dans cette fratrie où l’on soigne et où l’on enseigne, Xavier comprend que la médecine n’a de sens que si elle franchit les murs, la peur, et l’indifférence.
Il hésite entre philosophie et médecine : il prendra l’une sans renoncer à l’autre. Communiste, ami de Kouchner, antifasciste bruyant, observateur politique en Jordanie en 1970… Quand il décroche son diplôme en 1967 et bifurque vers la neurologie puis la réanimation, il sait déjà qu’il ne fera jamais carrière dans les salons capitonnés. On le retrouve chez les mineurs de Lorraine, puis sur des navires marchands, là où ça cogne fort. Là où ça casse, il recolle.
Médecins Sans Frontières : le scalpel et la parole
En 1971, une poignée de soignants décide que soigner ne suffit plus : il faut dire, témoigner, s’interposer. Avec Kouchner, Brauman et d’autres irréductibles, Emmanuelli fonde Médecins Sans Frontières. Une ONG qui soigne sans protocole diplomatique, qui refuse la neutralité du silence, qui brise les omertas.
Ce sera leur signature. MSF
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