Georges Ibrahim Abdallah : la fin d’un scandale d’État

C’est une décision historique, tardive, et pour beaucoup, une réparation attendue depuis trop longtemps. La cour d’appel de Paris a ordonné, jeudi 17 juillet 2025, la libération de Georges Ibrahim Abdallah, détenu depuis 1984 en France. Ce Libanais, militant communiste propalestinien, avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1987 pour complicité dans les assassinats de deux diplomates étrangers à Paris en 1982. Il est aujourd’hui âgé de 73 ans.

 

Condamnation pour complicité, détention sans fin

Né en 1951 dans le nord du Liban, Georges Abdallah s’engage très jeune dans la résistance palestinienne. Ancien membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), il fonde au début des années 1980 les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), groupe marxiste revendiquant la lutte armée contre l’impérialisme occidental et sioniste.

 

En 1984, il est arrêté à Lyon en possession de faux papiers. Il est bientôt mis en examen pour complicité dans les assassinats de Charles Ray, attaché militaire américain, et Yacov Barsimentov, diplomate israélien, tués à Paris en 1982. Il n’a pas participé directement aux meurtres, mais est accusé d’avoir fourni un soutien logistique.

 

Jugé en 1987 à Lyon, il est condamné à la perpétuité, avec une peine de sûreté de 15 ans. En droit français, il est donc libérable depuis 1999. Depuis cette date, pas moins de neuf demandes de libération conditionnelle ont été déposées. Certaines furent acceptées par les juridictions pénales, mais bloquées par un levier peu connu : l’obligation d’un arrêté d’expulsion signé par le ministre de l’Intérieur. Or, tous les ministres, de Sarkozy à Darmanin, ont refusé de signer cet arrêté, sous pressions — assumées — des États-Unis et d’Israël.

 

Une libération conditionnelle suspendue à une décision politique

En 2013, la justice accède à une demande de libération conditionnelle, à condition que l’intéressé soit expulsé au Liban. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, s’y oppose. Le Conseil d’État confirmera la légalité de ce refus, mais des voix s’élèvent : le judiciaire a parlé, c’est l’exécutif qui piétine.

 

De nombreuses personnalités, ONG, collectifs de soutien et parlementaires – notamment de La France insoumise et du Parti communiste – dénoncent depuis des années ce maintien en détention comme une violation de l’État de droit. Georges Abdallah devient malgré lui un symbole : celui d’un prisonnier politique que la France refuse de relâcher pour ne pas froisser ses alliés.

 

Une figure de lutte pour certains, un terroriste pour d’autres

La figure de Georges Abdallah divise. Pour ses soutiens, il est le « plus vieux prisonnier politique d’Europe », victime d’un acharnement judiciaire à caractère diplomatique. Pour ses détracteurs, il reste un terroriste non repenti. Abdallah, dans ses rares interventions, n’a jamais exprimé de regret. Il a toujours assumé son engagement révolutionnaire. En 2020 encore, dans une déclaration transmise depuis sa cellule de Lannemezan, il appelait à « intensifier la résistance au sionisme et à l’impérialisme ».

 

Le 17 juillet 2025, la cour d’appel de Paris ordonne finalement sa libération. L’expulsion vers le Liban devrait intervenir le 25 juillet. Il aura passé plus de quarante ans en détention. Ni Nelson Mandela, ni Carlos le Chacal n’auront connu une incarcération aussi longue sur le territoire français.

 

Le Liban salue, Israël proteste, la France se tait

À Beyrouth, la nouvelle a été saluée par plusieurs figures politiques, notamment proches du Hezbollah, qui voit en lui un héros de la cause palestinienne. À Jérusalem, le ministère israélien des Affaires étrangères a immédiatement « regretté » la décision française. À Washington, le Département d’État n’a pas encore commenté, mais plusieurs anciens diplomates dénoncent une « erreur stratégique ».

 

Du côté français, aucun commentaire officiel n’a été émis par le ministère de la Justice ou l’Élysée. Le silence est total, comme pour éviter d’avoir à justifier un scandale d’État vieux de plusieurs décennies : celui d’un prisonnier maintenu enfermé non par décision judiciaire, mais par crainte de représailles diplomatiques.

 

“Quarante ans, c’est beaucoup… mais on ne les sent pas quand il y a une dynamique de lutte”. Ce sont les mots de Georges Abdallah, le 15 juillet dernier, à la députée Andrée Taurinya (LFI), venue lui rendre visite dans sa cellule. Il portait un tee-shirt rouge, un short blanc, des babouches. Il parlait calmement, avec une ironie lucide : « Si je suis encore debout aujourd’hui, c’est parce que je lutte. Sinon, quarante ans, ça décervelle. »

 

Une cellule numéro 221, à Lannemezan. Et bientôt, après quatre décennies, un billet retour pour le Liban. Dans ce dossier, la France n’a pas libéré un homme : elle a reculé devant sa propre hypocrisie. Et la justice a dû, une fois encore, forcer une porte verrouillée par la raison d’État

 

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