Le Premier ministre démissionne lundi, revient vendredi, et promet du “renouvellement” lundi. À l’Élysée, on appelle ça la continuité de l’État. En Français, ça s’appelle du réchauffé.
Quatre jours après sa sortie par la petite porte, Sébastien Lecornu revient s’asseoir dans le grand fauteuil de Matignon. Une démission express suivie d’une reconduction tout aussi éclair : on appelle ça un “aller-retour en Macronie”, spécialité maison, servie chaude et sans sauce parlementaire.
Le communiqué de l’Élysée, publié un vendredi soir à 21 h 58 — l’heure où même les communicants dorment — annonce sobrement : « Le président de la République a nommé M. Sébastien Lecornu Premier ministre. »
Traduction : personne d’autre ne voulait du job. Les secrétaires d’État se planquaient, les maires refusaient les appels, et les derniers volontaires demandaient un CDI avant d’accepter.
Résultat : le locataire du 57, rue de Varenne, revient hanter les lieux qu’il n’avait pas eu le temps de décorer. Vingt-sept jours à Matignon, record absolu de brièveté sous la Ve République — et, à présent, retour au point de départ. En somme : Lecornu I était un accident, Lecornu II un aveu.
La démission la plus courte du monde
À l’Élysée, on explique que “c’est la continuité de l’État”. Les mauvaises (et quelques bonnes) langues parlent plutôt d’une panne de personnel. On assure que “personne ne voulait la place”. Il faut dire que gouverner sans majorité, sans budget et sans boussole, c’est un peu comme piloter un Rafale sans ailes.
Mais voilà : face à la menace de dissolution, au budget en PLS et à une majorité aussi soudée qu’un puzzle trempé, Macron a ressorti la carte Lecornu. C’est ce qu’on appelle, en politique, un “repli stratégique”. En médecine, on appellerait ça une rechute.
Les oppositions rigolent jaune
À droite, à gauche, à l’extrême et au centre — bref, partout — c’est la stupeur ou le fou rire nerveux.
Jordan Bardella dénonce une “honte démocratique” (ça le change), tandis que les Insoumis préparent déjà une motion de censure avant même que Lecornu ait eu le temps de ressortir ses dossiers du carton.
Au PS, Olivier Faure s’étrangle :
“Il démissionne et il revient ? C’est une comédie !”
Le RN, ravi, voit dans cette valse un marchepied vers la dissolution :
“On a un gouvernement zombie et un président médusé”, raille un député lepéniste.
Même au centre, les visages sont longs. Un macroniste soupire :
“On a changé de Premier ministre pour remettre le même. C’est Kafka au Touquet.”
La retraite des retraites
Évidemment, tout ce petit monde s’écharpe encore sur la réforme des retraites. Macron propose de la repousser à 2028 — autrement dit, de la refiler au président suivant, comme un paquet piégé.
Le PS réclame la suspension, LFI la guillotine, et Lecornu promet un “débat sans 49.3” — ce qui, en langage macronien, signifie : “jusqu’au prochain 49.3”.
Les syndicats, eux, observent la scène avec le même enthousiasme qu’un contrôleur SNCF devant un train sans freins.
Les petits arrangements entre amis
D’ici lundi, notre Premier ministre réanimé doit présenter son nouveau gouvernement. Il promet “renouvellement” et “diversité”. Traduction : on garde les mêmes, mais on change les prénoms.
Darmanin rôde encore, Retailleau piaffe, et quelques transfuges de droite seraient prêts à grimper dans la barque… si elle ne coulait pas avant.
Dans les couloirs du pouvoir, un conseiller souffle :
“Lecornu, c’est le seul à ne pas avoir dit non.”
Ce qui, ces temps-ci, tient lieu de programme politique.
Macron, chef d’orchestre d’un orchestre sans instruments
Pendant ce temps, le président joue les chefs d’orchestre d’une fanfare où chaque musicien joue sa propre partition. Dissolution en embuscade, motion de censure dans la salle, et opinion publique en apnée.
Lecornu II, c’est la série qu’on n’avait pas demandée, la suite d’un film dont on connaît la fin.
Comme disait un député épuisé en sortant de l’hémicycle :
“En Macronie, même les démissions reviennent. C’est pas de la politique, c’est du replay.”