Ce dimanche 24 avril, la France s’est retrouvée devant un choix cornélien : reconduire le Président qui lui donne la bave aux lèvres ou élire une Le Pen dont évoque le nom en regardant par dessus son épaule. Le dépit est total. Au final, Emmanuel Macron a été élu, avec 58,5% des voix, soit 18.779 641 bulletins. Marine Le Pen se contentera de 41,5% des votes ( 13.297.760 bulletins). Mais à y regarder de près, ce sont les “grands absents” qui l’ont emporté : 13,6 millions d’abstentionnistes et 2,2 millions de bulletins blancs, soit un total de 15,8 millions de non votants.
Qu’importe. Macron a quand même décidé de faire la fête. Avec Brigitte, habillée de bleu marine, avec de gros boutons et un col argentés, il a accompli sa marche sous la 9ème symphonie de Beethoven, devenue l’hymne européen. Marine Le Pen, également habillée en bleu marine, se satisfait de son éclatante victoire, avec le meilleur score jamais obtenu par son père.
Partout, la presse applaudit la victoire de la démocratie, les ministres sont ravis de retrouver leur postes et salaires. Depuis son siège, Jean-Luc Mélanchon se voit déjà premier ministre. Zemmour donne du baume au coeur à tous ceux qui ont perdu la dernière ligne droite avec Pecresse, à l’heure où Valérie remet la dernière pierre tombale sur le cercueil de son parti, en continuant à faire la manche pour réunir les 7 millions d’euros d’une campagne ratée, malgré un meeting aux allures de concert des Rolling Stones.
En fait, aucun candidat ne déplore le drame de cette élection. Même pas un raclement de la gorge, alors que la classe politique est disloquée, le PS est à l’article de la mort, ses anciens ténors tournent casaque, Valls drague Macron, Ségolène veut un poste de premier ministre, les écolos se font les poches pour rembourser les 6 millions perdus dans une campagne en manque d’énergie, des français ne votent plus et l’abstention a battu des records historiques. Mais, ce 24 au soir. tout va bien dans le meilleur des mondes…
Que s’est-passé pour en arriver là ? Une chose simple. La France, à raison, est soulagée d’avoir échappée a l’hydre de l’extrême droite, mais sait-elle qu’elle venait de tomber dans un traquenard sorti droit de l’admirable imagination des stratèges polémique ?
Pendant longtemps, le président a trainé, dans son angle mort, la colère des Gilets Jaunes et des français mécontents de sa politique sanitaire, notamment le pass vaccinal, le confinement ou les violences policières. L’élection présidentielle devait permettre d’évacuer sa colère, de sanctionner le président et de le remplacer par les extrêmes. Mais les “architectes” de l’Elysée ont fait un autre calcul : pour faire réélire leur « patron », il faut renforcer l’extrême droite et la pousser jusqu’au second tour du scrutin.
Dès le début d’année, l’émergence de Éric Zemmour leur a permis de la mettre en acte et en musique. En un temps record, les sondages (14,5% d’intentions de vote ) le mettent dans le même mouchoir de poche avec Marine Le Pen, juste au-dessus de Valérie Pécresse ( 14% ) et Mélenchon ( 13% !). Son discours musclé sur l’immigration et les musulmans a permis de faire passer la Présidente du Rassemblement Nationale pour “une gentille” dame et de booster ses voix.
Désormais douce, humaine et souriante, en écho à un Zemmour ” raciste”, la belle explose dans les sondage et exhibe son lifting politique dans les médias. Karine Le Marchand, la copine des agriculteurs de l’Amour est dans le Pré, s’est même fait un malin plaisir à aller la rencontrer dans son intimité. Marine en profite pour lui présenter sa chatte, parler de SPA, expliquer qu’elle vit seul. Avant de lui glisser, par pur hasard, quelques messages politiques, notamment son intention de ne plus revenir sur l’Euro, mais de transformer l’Union Européenne en Europe des Nations et de baisser le prix des produits de première nécessité : l’essence, le gaz, l’électricité, le fuel, les panier alimentaire et … le voile islamique ne sera pas interdit dans la rue !
En face, Mélanchon s’est pris toute la gauche dans la margoulette. Roussel ne voulait pas d’alliance, Jadot a fait cavalier seul et Taubira n’annoncera son retrait de la présidentielle, qu’après son échec à réunir les 500 signatures nécessaires à sa candidature. Ainsi, la candidate Guyanaise aura fait un passage éclair, telle une étoile filante, ce qui lui vaudra la colère de Mélanchon, toujours prompt à céder à ses hormones pour sauter au cou de ces “bandes de rigolos qui veulent lui nuire ».
Pendant ce temps, la stratégie macronienne récolte ses premiers fruits : Le Pen explose dans les sondages, à mesure que Zemmour se radicalise et la gauche se déchire. A partir de ce moment-là, il était clair qu’Emmanuel Macron avait les clefs de la victoire : au second tour, il affrontait Marine Le Pen et, au nom du « Front Républicain », il rameutait tous ceux qui ne veulent pas de l’extrême droite à l’Elysee…
Le reste est écrit : tout au long du premier tour, l’homme se désintéresse complètement de la campagne et n’affronte aucun autre candidat susceptible de lui faire mal. En tout, il n’a dû quitter son Palais de l’Élysée que pour un discours dans l’Aréna de la Défense, devant 30.000 personnes et, lors de son débat face à Le Pen, il est resté avachi sur son fauteuil, comme montrer à quel point ce duel ne l’intéresse pas.
Bien sûr, sur le plateau de France Tv, personne ne trouvait à y redire : ni Gilles Bouleau ni Léa Salamé, qui ont été choisis pour animer l’émission. Le journaliste de 59 ans, ancien correspondant à Londres et Washington, était complètement transparent et Léa Salamé ( mariée à Raphaël Glucksman, qui a appelé à voter pour Macron ) semblait trop fan pour faire son job. Elle qui a l’habitude de “torturer” ses invités…
Même cirque à l’issue de ce débat : aucune vraie critique de la part des commentateurs. Aucune chaine de télévision ne s’est exercée à pointer ce faire-play défaillant chez Macron. Les extraits présentés étaient tous dirigés en défaveur de Marine Le Pen. BFM est même allée jusqu’à demander au président Zelensky, s’il préfère Marine Le Pen ou Macron … c’est à dire le pro-ukrainien ou la pro-russe, à l’heure où les français versent des larmes amères devant les missiles russes qui tombaient en grêle, sur les habitants de Marioupol ….
Mais à part cela, n’en doutez pas, ce 24 avril, c’est la démocratie qui a gagné.