Pris la main dans le magot de Kadhafi, Nicolas Sarkozy décroche enfin ce que son agenda présidentiel n’avait jamais prévu : une cellule. Condamné à de la prison ferme pour association de malfaiteurs et blanchiment dans l’affaire libyenne, l’ex-président paie cash ses valises de billets et ses petites entourloupes électorales. Enfin, ce qu’il a toujours été : « Voyou de la République »
Ce jeudi 25 septembre 2025, la justice française a enfin arraché le masque et collé un verdict fracassant sur la tronche de Nicolas Sarkozy. Cinq ans ferme. Une sanction corsée, saupoudrée d’une amende de 100 000 euros et d’une interdiction de cinq ans d’exercer un mandat public. Treize ans après avoir déserté l’Élysée, Sarkozy décroche la palme de la honte : premier ex-président français expédié en cabane. Rien de bouleversant : pour beaucoup, ce n’est que la fin logique d’une saga commencée dès 2010. Car oui, Nicolas Sarkozy n’était rien d’autre qu’un « voyou de la République ». Marianne, en une, l’avait balancé il y a 15 ans, sous la plume prophétique de Jean-François Kahn.
Souvenir.
Après son discours incendiaire de Grenoble, où Sarkozy s’était offert un numéro de bateleur en crachant sur les Roms et délinquants d’origine étrangère dans une surenchère populiste puant l’extrême droite, Marianne n°626 (7-13 août) publiait un édito à la sulfureuse. Kahn, sans pincettes, croquait l’ex-maire de Neuilly en « caïd des cités » de Neuilly-sur-Seine : « Sarkozy n’est pas pétainiste ni, encore une fois, maurrassien, xénophobe, raciste, encore moins facho. Simplement, aucun interdit d’ordre idéologique ou éthique ne le bride, aucun principe transcendant ou aucun impératif moral ne l’affecte, aucun “surmoi” ne l’arrête. Pour conquérir et conserver le pouvoir, il est capable de tout. Absolument de tout. Exactement comme les caïds des cités ». Un portrait à l’acide, comparant ses revirements grotesques – comme l’abolition de la double peine en 2006, aussitôt torpillée par des mesures discriminatoires en 2010 – à ceux d’une petite frappe en costard Armani.
Kahn, en scalpeliste, disséquait aussi sa manie de bricoler les crises pour camoufler ses affaires, comme l’affaire Woerth-Bettencourt : « La République est aux mains d’un président qui ne s’encombre d’aucune espèce de morale. Sa priorité absolue devant des sondages désastreux : rester au pouvoir ». Il dénonçait une justice à géométrie variable, avec des peines taillées selon le pedigree, et des trouvailles telles que des prisons pour parents d’enfants délinquants.
Il comparait son cynisme à celui de Pierre Laval sous Vichy, pointait un parfum « pétainiste », tout en plantant le clou : « En réalité, avec d’ailleurs le talent que cette mentalité nécessite et le sens de la prise de risque qu’elle exige, Nicolas Sarkozy est un voyou. Un voyou de banlieue, dont la banlieue serait Neuilly ». Ces phrases, griffonnées comme des graffitis au couteau, déshabillaient un chef prêt à tout, même à racoler la démagogie la plus crasse pour survivre politiquement.
La couverture de l’époque – gueule sombre de Sarkozy barrée du titre « Le voyou de la République. Xénophobe et pétainiste ? » – avait semé la panique. Marianne s’était vendu à 300 000 exemplaires, porté par le scandale. Les nervis du pouvoir, de leur côté, avaient surjoué l’indignation.
Nadine Morano, roquet officiel du clan, avait hurlé à l’« insulte » et réclamé des excuses. Patrick Ollier, chef des godillots UMP à l’Assemblée, parlait de « manque de respect envers la fonction présidentielle ». Alain Marleix, autre grognard, braillait à « l’attaque indigne ». Même à gauche, Pierre Moscovici (PS) trouvait le mot « voyou » « pas approprié ». Tous ces figurants, vigiles improvisés de la République gaulliste, n’avaient qu’une mission : couvrir le voyou. En déguisant leur indignation en vertu, ils blanchissaient les combines mafieuses d’un homme déjà lesté d’affaires – dont ce financement libyen qui revient aujourd’hui en boomerang.
Quinze ans plus tard, la claque tombe. La cour criminelle de Paris a embarqué non seulement Sarkozy, mais aussi ses acolytes les plus fidèles. Pilier du clan, Claude Guéant, ancien ministre de l’Intérieur, s’est ramassé six ans de prison pour corruption passive, association de malfaiteurs et blanchiment, tandis que Brice Hortefeux, autre vétéran de la bande, s’en est tiré avec deux ans aménageables sous bracelet électronique et 50 000 euros d’amende pour association de malfaiteurs.
Sept autres petites mains ont été punies dans ce « pacte de corruption » avec Kadhafi, où circulaient valises de cash et promesses d’influence. Rien d’inédit : la mentalité voyou du sarkozysme que Kahn décrivait en 2010 – pactiser avec n’importe quel tyran pour sauver la mise – éclate dans cette alliance sordide avec un dictateur sanguinaire. Les Morano et autres chiens de garde du clan n’ont fait que retarder la chute. En gueulant au blasphème républicain, ils ont peinturluré les ruines d’un système où l’éthique n’était qu’un emballage jetable.
Jean-François, disparu en ce début d’année 2025, n’est plus là pour trinquer à cette revanche posthume. Mais Marianne, fidèle à son esprit, avait visé dans le mille : derrière le blabla tonitruant et les costards cintrés se planquait un voyou. Pas un idéologue de foire, mais un joueur de poker sans morale, prêt à trahir amis, alliés et valeurs pour gratter quelques bulletins.
Aujourd’hui, avec cette condamnation qui le propulse vers la cellule – malgré les appels bidons annoncés –, la France peut enfin refermer le cirque. Et saluer ceux qui, comme Kahn, ont eu le cran de dire la puanteur avant qu’elle n’inonde tout le pays. Le voyou est nu. Et la République, un peu moins voyoute.
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