Le journal qui retourne le couteau dans l’info

1 décembre 2023

A la Brigade des Mineurs, la réalité dépasse la fessée

N’en déplaise à la bien-pensance, la plupart des auteurs des violences physiques sur mineurs sont des femmes. Classe sociale ? Une France bien rangée, au compte bancaire garni. Enfants prostitués : des milliers ? Origine : France. Age : 12 à 14 ans. Voici quelques révélations que vous allez trouver dans « Les Enfants du Purgatoire » (Edition de l’Observatoire), le dernier livre, dérangeant, du journaliste Claude Ardid.

 

Le Correspondant a rencontré Claude Ardid. C’est un homme élégant, intelligent, et certainement l’un des meilleurs journalistes de France. C’est également un grand réalisateur, qui continue à courir les faits de sociétés, partout où l’homme a décidé d’offrir le meilleur de sa méchanceté.

 

Pendant plusieurs mois, il a collé aux basques de la Brigade des mineurs de Marseille, chargée de traiter des affaires de mœurs. Jour et nuit, il a laissé trainer ses oreilles dans les bureaux chargés du commissariat – là où se croisent les victimes et leurs bourreaux.

Il a vu des grands pères, qui aiment se défouler entre les jambes de leurs princesses, il a rencontré des fillettes transformées en poupées gonflables pour adultes, il a vu des jeunes filles tombées enceintes, mais cliniquement vierges… il a vu des enfants morts de l’intérieur, dans leur sexualité et leur féminité !

 

A l’arrivée, un titre sans fard : « Les Enfants du Purgatoire ». Nous l’avons lu. Nous avons cahoté d’une émotion à l’autre, avec l’envie de se racler la gorge, de pleurer, de sauter au cou d’un violeur… tant le constat est trash, les mots cash.

 

C’est un livre éclairant – qui doit être lu même dans les cours de récré. Une enquête noire, qui jette une lumière crue sur le quotidien d’enfants et d’adolescents, maltraités, violés, enlevés ou tués.

 

Sa couverture donne le ton : elle montre une jeune adolescente, seule, le long d’un couloir. Elle porte une petite robe, qui lui monte au-dessus du genou… et se dirige vers un salon vide, sombrement éclairé. La photo est volontairement présentée en noir et blanc, un monde sans couleurs…

 

L’enfant-Sextoys

Ardid ne se contente pas d’avancer des chiffres et de jouer le comptable de l’horreur. Guidé par le ballet des auditions auxquelles il a assisté, il donne un visage à ces dizaines de milliers de mômes, qui sont tombés dans l’enfer de prédateurs embusqués. Dans un seul livre !

 

Mais outre ces constats vertigineux, ce libelle  regorge de révélations : n’en déplaise à la bien-pensance, la plupart des auteurs des violences physiques sur mineurs sont des femmes. Chiffres du Ministère de l’Intérieur… Enfants prostitués : des milliers.  Origine : France. Age : 12 à 14 ans.

 

A Gare Saint Charles, elles ( ils) sont pris(e)s en charge par des proxénètes et finissent dans des hôtels de passe sur la périphérie de la ville. Age de ces nouveaux esclavagistes ? Pas de plus de 19 ans.

 

Autres révélations : les violeurs d’enfants ne viennent pas des quartiers défavorisés, mais d’une France bien rangée, au compte bancaire garni. Nombre de viols : des milliers, voire des dizaines de milliers. Et partout en France… Comment en est-on arrivé là ? Comment est-on passé de l’ère de « l’enfant du bonheur » à celle « l’enfant roi », puis… à « l’enfant-Sextoys »?

 

Certes, la pédophilie n’est pas tombée du ciel. A l’époque de la Grèce Antique, elle était intégrée dans la société comme un mode éducatif à part entière, les parents remerciaient même les instituteurs qui se « lâchaient” sur les petits. C’était l’ère « glorieuse » de la Pédérastie. Et, manifestement, cet héritage ne s’est pas effondré avec les “Pédos”, puisqu’aujourd’hui encore, dans la France des Lumières, des hommes fanatisés par leur libido continuent à réduire les enfants en esclaves sexuels. Et ils le soutiennent.

 

Les yeux doux de l’inceste

Claude Ardid a rencontré un grand père, accusé de viol sur mineur, il ne comprend pas pourquoi il est « poursuivi pour un acte d’amour », figé à l’époque où il était classe de s’afficher au bras d’une adolescente. Devant les flics, qui tentent le ramener à la raison, face à sa fringale de chair fraîche, il est resté droit dans ses bottes. Comme un sexe en érection…

 

Vous êtes choqués ? Que dire alors de ces femmes violées, embastillées dans leur secret ? Elles sont des dizaines de milliers à garder le silence et à s’interdire de pousser la porte du commissariat, pour porter plainte. « Pas seulement pour éviter d’envoyer un proche au trou », déplore le journaliste, « mais parce que ces femmes, dans leur majorité, se sentent coupables de ce qui leur est arrivée ».

 

Des psychologues et des avocats – que nous avons rencontrés – lui donnent raison. Leur diagnostic est encore plus effrayant : « Les victimes d’un inceste répété, depuis leur plus jeune âge, confessent avoir découvert le plaisir sexuel au moment où elles étaient abusées. Elles s’en veulent d’avoir profité du moment et deviennent, à tort, malgré elles, moralement responsables de leur viol … ».

 

Car durant toute leur enfance, ces femmes avaient vécu dans la trahison. On leur a volé leur innocence et on leur a fait accroire qu’elles naviguaient dans un conte de fée. Avec le temps, elles ont fini par céder aux yeux doux de l’inceste et, aujourd’hui, leur corps est rangé par la honte et la culpabilité.

 

Heureusement qu’une brèche s’est ouverte, il y a quelques années, avec la naissance du mouvement Me-Too – même si ce dernier a pu déclencher un torrent d’accusations mensongères. Une flopée de femmes a fini par se délivrer de ses démon et s’est résolue à porter plainte. Malheureusement, ces enquêtes bougent peu, voire pas du tout. La raison ? « Avec le temps, les preuves s’effacent, certains témoins se débinent » et les violeurs, de peur de laver leur slip devant une Cour d’Assises, « continuent à nier les faits ».

 

Claude Ardid a rencontré bon nombre de ces malheureuses, qui doivent continuer à “s’arranger avec leur fantômes”, alors qu’elles sont rangées par un double sentiment, l’injustice et la honte d’elles-mêmes. Il raconte, dans son livre, leur calvaire, mais aussi l’embarras des policiers , « qui se coupent les cheveux en quatre devant les affaires de viol ».

 

Le mépris est officiel

Pas seulement à cause de ces plaintes qui jaillissent du passé : régulièrement, les policiers sont confrontés à des personnes malintentionnées et déterminées à en découdre avec un proche encombrant. Leur profil va de celle ( ou celui ) qui veut écarter l’autre parent de la garde des enfants à celle qui brûle de faire la peau à son petit ami infidèle ou encore celle qui cherche à justifier la perte prématurée de sa virginité.

 

Comme Claude Ardid s’en fait l’écho, les policiers déploient une incroyable énergie pour séparer le bon grain de l’ivraie. Leur sagacité, matinée de ruse et de ténacité, permet souvent de couper cout à la manipulation. 8 plaintes sur 10 sont classées sans suite. Cependant, « les policiers ne poursuivent jamais les menteuses pour dénonciations calomnieuses, pour éviter de dissuader les vraies victimes de porter plainte », même si ces fausses affaires sont de nature à les encombrer. Ils préfèrent les traiter, pour éviter de passer à côté d’un drame, alors même qu’ils se retrouvent au bout du rouleau, depuis que le gouvernement – toujours prompt à pouponner la police nationale – a décidé d’intégrer les violences conjugales dans leur mission – déjà bien thrambosée.

 

Cette police des mœurs doit maintenant faire feu de tout bois : gambader entre une femme battue – avant qu’elle ne soit trucidée par son mari –, un enfant séquestré – en passe de quitter le territoire français et de disparaitre des radars. Un violeur à la bouche pleine de bobards ou une adolescente qui marmonne sa honte d’avoir bradé son corps.

 

En prime, il faut rédiger son rapport (des dizaines et des dizaines de pages ), déclencher des écoutes téléphoniques, les retranscrire, lancer une filature, prouver une fellation forcée, se dépenser, se dépasser et, s’il reste du temps, s’occuper – éventuellement – de ses propres enfants…

 

Pire. Alors même que ces policiers doivent effectuer un travail d’Héraclès, en accéléré, le parquet de Marseille ne répond pas toujours à l’appel. Dans cette région de France, les magistrats préfèrent les bons flics – qui ferraillent contre les vrais bandits – aux « poulets de la vertu », comme s’amusent à les qualifier, de façon clownesque, certains « bons condés ».

 

Un policier des mœurs s’en indigne au plus haut point. Une fois, il a dû « passer 4 h et 7 minutes, l’oreille collé au téléphone, avant qu’un procureur ne daigne » lui répondre. Mais, on s’en doute, la faute est au soleil qui tape fort à Marseille, à moins que le mépris ne soit officiel.

 

Signe du dédain, cette brigade tourne avec des moyens très faméliques : au milieu des bureaux étroits, les ordinateur beuguent, les téléphones grésillent, les ascenseurs tombent en panne. Et le seul WC disponible accueille tout le monde : victimes, mis en cause et policiers doivent tenir leur place dans la file. On imagine la scène : une victime et son violeur, fesses à l’air, dans le même enclos…  à moins deux minutes d’intervalles !

 

Mais cette exaspérante réalité est loin de décourager ces « poulets de la vertu », habitués à se dresser contre l’adversité. Chez eux, il n’y a pas d’affaires nonchalantes, il y a qu’un univers sombre, glauque, qui impose une mesure dans l’émotion et l’intégrité qui fait l’éthique de celles et de ceux qui pourchassent les voleurs d’innocence.

 

Qui sont-ils ? Elles s’appellent Natacha, Emilie, Jeanne, il s’appelle Pierre, Jack… Ils sont 8 hommes, 22 femmes, ils sont jeunes, certains ont encore un pied dans l’après-adolescence et sont déjà engagés dans les coursives d’un métier ingrat… et boudé par les briscards de la profession.

 

Fuck le silence

Admettons-le… qui est à ce point fieffé pour évoluer dans un univers où il est quotidiennement question d’éjaculation, qui veut retirer un enfant à une mère allaitante – et en verser ensuite des larmes amères -, qui souhaiterait « tenir un bébé secoué dans ses bras … après avoir constaté son décès ? Qui a le courage de soutenir les yeux d’un enfant et lui demander de décrire le viol subi, comme « la taille, la grosseur du sexe ou encore… l’odeur du sperme collant » ?

 

Les réponses sont dans “Les Enfants du Purgatoire” et ces réponses, données par les policiers eux-mêmes, sont teintées de cet humour vibrant, qui caractérise celles et ceux qui dévisagent la haine, sans jamais fléchir.

 

Ce 1èr avril, deux de ces policières seront au Festival du livre “Lire” au Pradet, près de Toulon, accompagnées par le journaliste Claude Ardid. Ils vont rencontrer le public, parler, raconter, sensibiliser, sur le viol, l’inceste, la pédopornographie, les bébés secoués, les agressions sexuelles, les enlèvements d’enfants…

 

Plus tard, Claude Ardid continuera à arpenter les différentes villes de France, les télévisions, les radios, les journaux… pour le dire et le répéter : « Les violences sur mineurs ne sont pas des faits divers, mais bien des faits de société ». Et, comme il en faudra davantage pour couper la route aux renards embusqués, le journaliste espère adapter son livre au cinéma. Pour vaincre une réalité qui dépasse la fiction…

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