Une claque, deux France. Une France indignée, une autre réjouie. Voici l’etat du pays, au lendemain de l’agression d’Emmanuel Macron, ce mardi 8 juin, dans la Drôme.
La scène tourne encore en boucle dans les médias : elle s’est déroulée lors d’un déplacement du Président, à Tain-l’Hermitage. Macron se dirige vers la foule. Un homme lui serre la main, le tire… puis lui assène une baffe.
Comme un seul homme, la classe politique réclame la tête du “badaud”, surnom de Damien T, l’auteur de l’agression. À juste titre, l’indignation est à son comble : “Inadmissible de s’attaquer physiquement au président de la République”, dixit Jean Marie Le Pen. “Solidaire du Président”, claironne Jean-Luc Mélanchon. “Quand le président est agressé, c’est chaque Français qui reçoit un coup à travers lui”, tonne Marlène Schiappa.
C’est évident, ils sont tous vénères, offensés, offensifs. Certains deviennent juges, procureurs, avocats : ils connaissent déjà le « verdict » contre l’agresseur, arrêté et mis en garde à vue : 3 ans de prison, disent-ils. Les éditorialistes tombent des nus. Au secours, crient-ils, la France est frappée, la fonction présidentielle est chosifiée. Un front républicain s’est formé, comme on en a jamais vu, hors des grands enjeux nationaux.
En face, l’opinion publique semble s’en amuser. Depuis ce 8 juin, un site satirique s’est même crée sur Facebook. Son nom ? « Gifle à Macron ». Ses premiers postes ? “Le 8 juin sera désormais la journée officielle de la gifle”, “GIFLI des idées de génie !” ou encore “j’aurais préféré une fessée !”. Même la première Dame est mise en scène avec une image des plus hilarante: “Montre-moi qui t’a frappé”, ordonne Brigitte Macron. “Arrête tu me fous la honte…!”, répond son mioche. Son mioche ? Emmanuel Macron, flanqué d’un cartable d’écolier. Un montage photo …
D’autres n’ont pas le coeur à rire. Chez eux, se dégage un ras-le-bol inconsolable. Volcanique. Comme « Délie Marin », sur Facebook : “Inacceptable geste. Il fallait taper plus fort”. Idée qui résonne avec le commentaire d’un quidam rencontré dans un bar du Cour Saint Louis, à Marseille : “Macron n’a fait que recevoir la gifle qu’il a donnée aux Français”.
Les quatre années de son mandat, dit-il, ont été rythmées par des manifestations a répétition et un rejet viscéral de l’élite gouvernementale. « Elite incarnée par ce Président, qui joue avec les limites de la démocratie”, fustige-t-il, avant d’égrener les victimes du gouvernement, dont nombreux gilets jaunes. 2 500 blessés au cours de leur manifestations. Blessés, tués ou emprisonnés : il en connait beaucoup, avec noms et prénoms, et même l’état civil.
Entre autres, Vanessa Langard, 36 ans, défigurée, Yvan Borysevic, 42 ans, a des troubles de la mémoire. Ritchie. A, perd son oeil gauche; Xavier, défiguré: Benoît, 28 ans, est placé dans un coma artificiel de 20 jours, après des tirs de LBD. Ou encore Zineb, morte à la suite des blessures occasionnées par une bombe lacrymogène reçue en pleine tête. “ Elle n’était même pas manifestante”, regrette-il.
Ces faits ont été dénoncés par Amnesty International. En cause : le droit de manifester pacifiquement, les mesures disproportionnées prises par les forces de l’ordre dans de nombreuses manifestations, l’emploi massif de gaz lacrymogènes, le recours aux techniques de “nasses”, ou encore l’utilisation des grenades explosives GLI-F4. L’Onu s’en est également indigné.
Est-ce à ces « sujets » que pensait Emmanuel Macron, dans une interview qu’il a accordée au Dauphiné Libéré, à la suite de son agression ? “ Il ne faut pas que cela vienne occulter le reste des sujets si importants qui concernent la vie de beaucoup”, estime-t-il. Prise de conscience soudaine, pour protéger la sacralité de la fonction présidentielle, la République, avec le droit de manifester, sans risquer de finir dans un fauteuil roulant ? Enfin … pour saper les “tentations autoritaires” de ses troupes… Pas sûr. Le bilan qu’il tire de son agression en est la preuve. Il n’y voit ni l’expression d’un malaise généralisé, ni celui d’une colère étouffée par les flics. Mais plutôt… “ un acte isolé”.