Au Salvador, la méga-prison de Nayib Bukele est devenue un outil de la politique migratoire américaine. Déportations, détention extrajudiciaire, allégations de torture : sous couvert de sécurité, Washington externalise son Guantánamo
Au Salvador, la paix a désormais des murs de béton, des néons allumés jour et nuit et des hommes enchaînés par centaines. Elle s’appelle CECOT. Une prison géante, vendue comme un rempart contre le chaos, dénoncée comme un abattoir carcéral. Derrière les vidéos léchées diffusées par Nayib Bukele sur X et les sourires complices de Donald Trump, se dessine une réalité plus sombre : celle d’un État qui a fait de l’enfermement de masse un projet politique, et de la torture un dommage collatéral. Un reportage de CBS, bloqué à la dernière minute avant sa diffusion, a fissuré le récit officiel. Trop tard : les témoignages ont fuité, et avec eux l’image d’un “Guantanamo tropical” au service d’une alliance sécuritaire assumée.
Bukele et la guerre totale contre les gangs
Lorsqu’il arrive au pouvoir en 2019, Nayib Bukele hérite d’un pays exsangue, ravagé par le MS-13 et le Barrio 18, avec un taux d’homicides parmi les plus élevés du globe. Il promet l’ordre, vite, fort, sans états d’âme. En mars 2022, l’état d’urgence est décrété. Les garanties constitutionnelles sont suspendues. La police et l’armée ratissent large. Résultat : plus de 80 000 arrestations en deux ans, souvent sans mandat, parfois sans preuve, parfois sans raison autre qu’un tatouage mal interprété ou une dénonciation anonyme.
Le symbole de cette stratégie porte un acronyme : CECOT, Centre de Confinement du Terrorisme. Inaugurée en février 2023 à Tecoluca, à une heure de San Salvador, cette méga-prison peut accueillir jusqu’à 40 000 détenus. Elle est pensée comme une forteresse : murs cyclopéens, cellules collectives, surveillance militaire permanente. Les images officielles montrent des rangées d’hommes torse nu, rasés, agenouillés, traités comme une masse indistincte. Bukele revendique le spectacle. Il parle de dignité retrouvée pour “les millions de Salvadoriens enfin libres de la tyrannie des gangs”. Il organise des visites pour influenceurs sécuritaires et proches de Trump, qui repartent fascinés par cette justice expéditive mise en scène.
L’enfer derrière la vitrine
Ce contenu est réservé aux abonnés
Connectez-vous pour le déverrouiller






