Décision du Conseil des ministres, qui s’est tenu ce mercredi : après trois ans passés à l’île de la cité, le tout puissant chef de la police de Paris va quitter son “ranch”.
Presque tous les Français connaissent son nom et son visage émacié. C’est que Didier Lallement est pourvu d’un long CV dans les “méthodes musclées”. Préfet de police de Paris depuis 2019, il a fait couler beaucoup d’encre dans la presse et sur les réseaux, à cause de ses manières et de sa façon de faire, pendant les mouvement sociaux de mars en 2019. On lui reproche notamment d’avoir donné ordre aux policiers de “casser du manifestant”.
A l’époque, la France était convulsée par les manifestations des “gilets jaunes” et Macron, désigné comme le président des riches, hostile aux petites gens, était sommé de démissionner. Didier Lallement, pour sauver la tête du président, a décidé de faire quelques retouches aux dispositifs du maintien de l’ordre. Ses troupes, chargées d’aller « au contact de la foule » – avec du lacrymogène, balles de défense, grenades de désencerclement… – ont laissé de vilaines séquelles dans la rue. En quelques mois, on dénombre de plusieurs centaines de blessés dans les rangs des gilets jaunes.
Aujourd’hui, certains vantent encore « un grand fonctionnaire de la République », qui a ” laminé les casseurs”. D’autres, moins indulgents, le définissent comme « un homme brutal », qui a outrepassé son devoir, pour servir de bouclier au régime politique. Une chose est certaine : Lallement est un homme dur et rigide. Tout ce qui ne correspondait pas à sa conception de la société, souvent collée à l’ordre établi, devenait son ennemi personnel.
Comme cette femme “gilet jaune”, en novembre 2019, qui l’avait interpellé sur ses méthodes. Elle est immédiatement renvoyée à sa petite position sociale : « Nous ne sommes pas du même camp, madame ». Pareil pendant la crise sanitaire, en 2019 : Lallemand récidive en roue libre contre ceux qui n’ont pas « respecté le confinement », seuls responsables de leur admission « en réanimation ». Au plus fort de la colère du peuple, qui reprochait au gouvernement “sa gestion calamiteuse de la crise”.
Certes, ses services de com ont essayé de rattraper le coup, mais le mal est fait. Didier Lallement est devenu l’homme à abattre. Une cinquantaine d’élus parisiens, en décembre 2020, se sont fendus d’un courrier pour clamer l’urgence de sa démission. Seul préalable pour garantir « la protection des parisiens », qu’il « met en danger », disait leur déclaration.
Ce courrier, adressé à Emmanuel Macron, est resté lettre morte. Didier Lallement n’a jamais été inquiété par ses supérieurs. Malgré le feu des critiques, il a été maintenu à son poste. Pis : il a redoublé de brutalité.
En novembre 2020, ses troupes se sont lâchées sur les migrants, qui venaient d’occuper une partie de la place de la République. Leurs campements sont démantelés, des journalistes agressés et les militants associatifs réprimés à coup de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement. Le tout sous les caméras qui ont tout filmé…
Et pour ajouter au baroque… l’aimable préfet Lallement, quelques mois plus tôt, avait fait réprimer violemment des manifestations féministes et, le 29 mai dernier encore, ses ” soldats” ont gâché la fête au stade de France, après avoir gazé un supporter anglais, le soir du match entre le Liverpool et le Réal de Madrid, en Ligue des Champions. L’affaire est vécue comme ” une humiliation mondiale”. Surtout que le ministre de l’Intérieur, au lieu de pointer le zèle de son préfet, a préféré retourner les accusations contre les supporters anglais, qui aurait forcé l’entrée du stade ” avec des faux billets”. Des accusations infondées.
Aujourd’hui, Macron a décidé de sacrifier Lallement. Lui… mais pas l’encombrant Christophe Casatner, l’ancien ministre de l’Intérieur, qui donnait les ordres et déboulait ensuite dans les médias, pour assurer le service après-vente. Ses algarades, comme les maladresses de son préfet et les débordements de certains agents, ont sérieusement écorché l’image de la police. Récemment encore, Jean Luc Mélenchon n’a pas hésité à accuser tout ce qui porte l’uniforme d’être des dingues de la gâchette.
En face, les syndicats de la police, également stigmatisés, avaient beau expliquer que le corps policier n’est pas anti-citoyens, mais le mal est fait : pour de nombreux citoyens, la police n’est pas là pour protéger, mais pour servir le pouvoir. Voilà qui donnera du fil à retordre au successeur de Didier Lallement : Laurant Nunz, l’actuel coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme
C’est un homme qui a passé l’essentiel de sa carrière dans la haute fonction publique, comme directeur de cabinet ( entre 2012-2015 ) à la préfecture de Paris, préfet de police des Bouches-du-Rhône ou encore directeur général de la sécurité intérieure (DGSI). Saura-t-il relever le défi : gérer l’ordre public et redorer l’image de la police ? L’avenir nous le dira !