Restera, partira ? Toute la journée de mercredi, l’Italie a retenu son souffle, devant le film qui se déroulait : l’éclatement de la coalition gouvernementale de Mario Draghi, à la tête de l’exécutif depuis un plus d’un an. Mais hier matin, le générique de fin est tombé : le chef du gouvernement a présenté sa démission et celle de son gouvernement. Une élection aura lieu en automne.
Une scénario tragi-comique. Cette fois, tout a commencé la veille, au Sénat, sur fond d’une motion de soutien au gouvernement d’union nationale – composé de nombreuses formations politiques, allant de l’extrême gauche à l’extrême droite. Mais après une journée de débats et de vote, Super Mario s’est pris un savon. Il n’a pas pu franchir le seuil des 90 voix contre 31 – tandis que la majorité absolue est fixée à 161. Et aucun des partis, qui forment la coalition, ne lui a renouvelé sa confiance – à l’exception du Parti Démocrate d’Enrico Litta.
Au premier rôle, le Mouvement 5 Étoiles (M5S). Voici quelques jours, l’ex-chef de la banque centrale italienne – qui ne souhaitait pas la démission du chef de gouvernement – avait appelé les partis politiques à faire bloc derrière Draghi : le M5S, fracturé de l’intérieur, lui a répondu par une opération de sabotage bien huilée : de nombreuses défections. L’enjeu ? Imposer une crise constitutionnelle, pousser Draghi à la démission et provoquer une nouvelle élection.
C’est aussi le cas du parti de Silvio Berlusconi – empêtré dans les affaires – qui a tout fait pour pourrir la situation. Le reste est écrit : Mario Draghi, désavoué, devient hors jeu. Il va rendre définitivement le costume, à l’issue des prochaines élections, en septembre ou octobre prochain. En attendant, selon le souhait du président Mattarella, il pourra assurer la transition. Ce sera la fin de l’histoire …
Regrets d’Emmanuel Macron, qui a salué l’Italie de Mario Draghi : ce « soutien indéfectible pour apporter des réponses européennes à nos défis communs, notamment face à l’agression de l’Ukraine par la Russie ».
Car sans lui, en effet, les conséquences de la guerre d’Ukraine, face aux « défis » du gaz russe, seraient sans doute très lourdes pour le Vieux continent, qui doit faire face à sa dépendance énergétique de Moscou.
Mario Draghi avait opéré un pas de géant en la matière. Bientôt, l’Italie deviendra un hub de gaz en Europe : l’Algérie lui a fourni environ 14 milliards de mètres cubes de gaz l’année dernière. 4 milliards à venir, avant la fin de l’année, 6 milliards l’an prochain. A terme, le groupe italien Eni – très actif en Algérie – finira par transporter jusqu’à 32 milliards de mètres cubes par an.
Au plus fort du conflit avec la Russie et en pleine déliquescence des relations entre l’Algerie et l’Espagne, Super Mario a réussi un coup de maître : donner un pied de nez à Poutine et soulager l’Europe.
Espérons que ses successeurs – la droite radicale berlusconienne de Forza Italia, les populistes Cinq étoiles ou les nationalistes d’extrême droite de la Ligue –ne vont pas encore réécrire le scénario. Surtout qu’ils sont tous, dans leur majorité, plus enclins à céder aux sirènes de Poutine qu’à jouer la solidarité en Europe.
Réponse, au prochain épisode !