Elle s’appelait Fatima Hassouna. Elle avait 25 ans. Elle photographiait la guerre à hauteur d’enfant, filmait les ruines avec une tendresse rageuse, captait la lumière comme on vole un instant d’éternité dans un territoire qui ne connaît que le provisoire.
Mercredi, elle a été tuée dans le bombardement de sa maison à Beit Lahia, au nord de Gaza. Avec elle, dix membres de sa famille. Une frappe parmi des centaines d’autres, mais celle-ci a laissé une trace. Une ombre dans les lumières de Cannes.
Fatima était au cœur d’un documentaire sélectionné pour le prochain festival : Put your soul on your hand and walk, réalisé par Sepideh Farsi, cinéaste iranienne exilée. Pendant près d’un an, les deux femmes ont échangé des vidéos, des mots, des silences aussi, pour documenter — sans fard ni filtres — le drame de Gaza. Fatima n’était pas une héroïne fabriquée. Juste une jeune femme qui envoyait chaque matin, entre deux sirènes, des images, des messages, des voix. Jusqu’à ce que la sienne s’éteigne.
Sa dernière story sur Instagram montrait un coucher de soleil : « Le premier depuis longtemps ». Et son dernier aussi.
Interrogée sur cette frappe, l’armée israélienne a répondu avoir visé un « membre du Hamas » impliqué dans des attaques contre des soldats et des civils. Et d’ajouter qu’elle avait « pris des précautions pour éviter des victimes civiles ».
Depuis le 7 octobre 2023, Fatima Hassouna documentait inlassablement ce que beaucoup préfèrent ne pas voir. Diplômée en multimédia à Gaza, elle collaborait ponctuellement avec des médias internationaux. Un travail souvent ignoré, sauf quand il devient posthume. La reconnaissance, ici, arrive toujours après la détonation.
« Fatem était un soleil », a confié Sepideh Farsi au Monde. Un soleil que l’on a soigneusement éteint, pour éviter qu’il n’éclaire trop.
Près de 200 journalistes ont été tués depuis le début de l’offensive israélienne, selon Le Monde. Médecins sans frontières parle d’une « fosse commune pour les Palestiniens et ceux qui leur viennent en aide ». L’ONU dénonce, les ONG alertent, les communiqués s’empilent, mais les frappes continuent — méthodiques, nettes, chirurgicales, disent-ils.