Cet article a été écrit dès les premières heures de l’incarcération de Boualem Sansal, en novembre 2024. Mais au Correspondant, nous avons choisi de le garder sous scellés. Par prudence, par décence, et surtout pour ne pas compromettre la défense — ni la possible libération — d’un écrivain emprisonné pour une pensée que nous refusons de voir criminalisée. Aujourd’hui que Sansal est libre, que le tumulte diplomatique s’est déplacé sous d’autres latitudes, nous publions enfin cette enquête : une plongée dans l’histoire capricieuse des frontières maghrébines et dans les braises politiques qu’une simple phrase peut réveiller.
Dans ce Maghreb qui vit son histoire au présent comme un vieux couple qui ressasse, inlassablement, les mêmes reproches, il suffit parfois d’une phrase, d’un souffle, d’une interview mal placée pour rallumer un brasier que la poussière avait cru recouvrir. En novembre 2024, ce souffle a un nom : Boualem Sansal. L’écrivain franco-algérien de 75 ans, irréductible poil à gratter de la dissidence, lâche dans un média d’extrême droite français une remarque d’apparence anodine : et si l’ouest algérien avait, jadis, appartenu au Maroc ? Une phrase de séminaire universitaire, un séisme géopolitique à Alger. Le régime s’étrangle, tape du poing, exige des comptes. À sa descente d’avion, l’auteur est cueilli net puis incarcéré pour « atteinte à l’unité nationale » et « atteinte à la sûreté de l’État ». Tabou brisé, prison automatique.
Un an plus tard, Tebboune dégaine une grâce présidentielle : un geste humanitaire autant qu’un pari diplomatique. Mais une question persiste, lourde, insistante : comment une simple phrase peut-elle réveiller des fantômes frontaliers que même les colonisateurs avaient eu du mal à discipliner ?
Pour comprendre pourquoi la sortie de Sansal a mis le feu aux poudres,
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