La mort de François laisse un vide au Vatican, et les ombres s’allongent. Dans un contexte où Trump impose sa vision de la foi sur l’Eglise américaine, les ultras du Vatican pourraient sauter sur l’occasion pour resserrer leur emprise et imposer un pape plus radical.
La nouvelle est tombée ce matin comme une enclume dans le silence de Saint-Pierre : le pape François est mort. Jorge Mario Bergoglio, 88 ans, s’est éteint dans sa résidence du Vatican, après plusieurs mois d’agonie discrète, entouré de ses plus proches collaborateurs.
Celui qui fut le premier pape venu du « bout du monde » laisse derrière lui un héritage de réformes avortées, de gestes audacieux, mais aussi d’un pontificat de plus en plus isolé, pris en tenaille entre la Curie romaine, les ultra-traditionalistes et une Église américaine désormais en roue libre.
Mais au-delà des hommages, l’odeur d’encens cache à peine une inquiétude plus vaste, plus sourde : et si la mort de François ouvrait une ère de régression brutale ?
À l’heure où le monde bascule vers des pôles idéologiques de plus en plus durs, la géopolitique de la foi chrétienne n’échappe pas à la tectonique des plaques. Depuis l’élection de Donald Trump pour un second mandat en novembre 2024 – épaulé par son colistier J.D. Vance, chantre d’un catholicisme populiste, identitaire et résolument anti-woke – l’Église catholique américaine a définitivement rompu les digues.
Oubliée la doctrine sociale de l’Église, reléguée la main tendue aux migrants ou aux LGBTQ+, l’heure est à la reconquête morale, au retour d’un ordre divinement hiérarchisé, et à l’infiltration du politique par le sacré.
Les évêques américains – dont plusieurs cardinaux influents ont déjà murmuré leur impatience face à l’aile « trop tiède » du Vatican – sont prêts. Certains, comme le cardinal Raymond Burke (rétrogradé mais toujours influent), ont patiemment tissé leur toile. Le décès de François tombe pour eux comme un kairos, un moment providentiel.
Le conclave à venir : vers un Pape made in USA ?
Tout dépendra du conclave. Mais les signaux ne trompent pas : le collège des cardinaux, largement renouvelé par François, n’est pas aussi homogène qu’il y paraît. En coulisse, plusieurs factions s’agitent.
Celle des latino-américains, fidèles à une théologie des pauvres mais affaiblie par les divisions internes ; celle des Européens, de plus en plus minoritaires et sur la défensive ; et puis la plus bruyante, la faction nord-américaine, portée par un néo-intégrisme technocratique, financée, organisée, et en phase avec la nouvelle administration américaine.
Le spectre d’un pape « trumpien » n’est plus une hypothèse de roman dystopique. Un cardinal américain, jeune, charismatique, passé par Harvard et Fox News, pourrait incarner cette mutation. Il se murmure même que le cardinal Timothy Dolan, toujours influent dans les milieux conservateurs, serait en train de pousser en coulisse une candidature plus radicale encore, plus doctrinaire, pour incarner une Église offensive, militante, réactionnaire et globalisée.
Si un pape conservateur, voire réactionnaire, venait à être élu, le changement de ton serait immédiat : fin des ouvertures synodales, verrouillage des débats sur les femmes, retour à la messe tridentine, et condamnations explicites du progressisme moral.
Mais plus grave encore : un tel pape pourrait redéfinir le rôle géopolitique du Vatican, le transformant en rempart spirituel d’un axe occidental en guerre contre « la décadence post-moderne », voire en partenaire discret de l’ultra-droite chrétienne internationale. Le Vatican de demain serait alors moins un lieu de dialogue que la citadelle morale d’une croisade contemporaine.
La mort de François ne signe pas seulement la fin d’un homme : elle cristallise une bataille séculaire pour l’âme de l’Église. Le prochain conclave dira s’il reste une place pour un catholicisme ouvert, pastoral, incarné – ou si l’Église se refermera sur elle-même, sanctuarisée, alignée sur les puissances terrestres les plus brutales.
Et si, demain, l’encens du Vatican sentait la poudre d’un nouveau puritanisme, armé cette fois non plus de bibles, mais de bullet points géopolitiques ? Le risque est là. Et les funérailles de François pourraient bien être aussi celles d’un certain humanisme catholique.