Le Correspondant

Hitler : la France et le mépris

A l’occasion de la réédition d’une nouvelle version de « Mein Kampf », par les éditions Fayard, Christophe Weber, lauréat du prix Albert Londre, revient sur le passé nébuleux de la France hitlérienne. Enfer et damnation.

 

Ainsi parlait Hitler : « la France est une nation abâtardie, dominée par les Juifs, les Francs-maçons et qui a amené les troupes nègres sur le Rhin et à l’intérieur de notre glorieuse nation allemande.” Cette prose est extraite de son livre Mein Kampf (mon combat), écrit en 1925. A l’époque, le führer n’était pas encore l’architecte de l’apocalypse. La première fois qu’il a commencé à dégueuler sur la France, pour l’agonir, il n’était encore qu’un apprenti sorcier de la haine, fraîchement sorti de la guerre de 14-18. Là où il a passé le plus clair de son temps caché dans les tranchées, jusqu’à l’écrasante défaite de l’Allemagne, devant les troupes françaises.

 

Son désir de vengeance se déclenche à cette époque, avec l’obsession de la dominer et de la soumettre. Là encore, il l’a dit et répété dans son livre : la France « n’a eu de cesse d’humilier et d’empêcher la grande Allemagne d’exister et d’être la plus grande puissance en Europe. Nous n’aurons de cesse de la détruire, de la réduire en esclavage…». C’est donc à dessin qu’il rallie, en 1920, le Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands. Le même qui lui permettra de tenter son coup d’Etat de Munich, en 1923. Pensant s’emparer du pouvoir, pour assouvir ses fantasmes de bourreau, il est immédiatement arrêté et jeté dans la prison de Landsberg. A sa libération, 13 mois plus tard, il sort avec un manuscrit de 688 pages, pondu pendant sa détention. C’est Mein Kampf, le “ bréviaire” de la haine, avec ses phrases toutes faites, mal écrites, des idées alambiquées, parfois confuses, mais souvent haineuses.

 

S’il fait des juifs et des tsiganes des “ sous-êtres”, sa plume est un sabre qui veut découper la France en rondelettes. D’ailleurs, à sa prise de pouvoir en janvier 1933, il la met au défi de répondre et de riposter à ses propos et à ses coups de force. Plus tard, il se lance dans la remilitarisation de l’Allemagne nazie, dans l’invasion et l’annexion de l’Autriche (l’«Anschluss») ou de la Tchécoslovaquie. Il tente le tout pour le tout pour déclencher une réaction hostile de la part du camp anti-nazi, pour justifier l’assaut. Mais son casus bellis n’a pas vraiment fonctionné : le 30 septembre 1938, les accords de Münich ont coupé court à ses velléités guerrières. Pour autant, il en sort victorieux : ces accords ont signé  le premier arrêt de « mort » de la Tchécoslovaquie, dans le silence et « le déshonneur” des démocraties occidentales, désormais à genoux.

 

En tête du cortège ? Paris a baissé le froc. A l’occasion des jeux olympiques de Munich, en 1936, la délégation française parade, toute honte bue, à l’ouverture de la cérémonie. Dans les salons commerciaux, notamment automobiles, l’ambiance sied à une fête de mariage d’un grand père à sa petite fille. Entre patrons allemands et français, manquait plus que le French Kiss pour célébrer le grand amour naissant. Parmi eux : Louis Renault.

 

Pour autant, la haine hitlérienne est restée intacte. Au printemps, 1940, la France est dévastée. En quelques semaines seulement, elle est submergée par les forces militaires nazies, à la grande surprise d’Hitler lui-même, qui ne s’attendait pas à une victoire aussi écrasante.

 

Accompagné de son état-major, filmé, il se rend pour une brève visite des champs de bataille, là où il dit avoir combattu lui-même, pendant la Première guerre mondiale. Dans un Paris désert, le « touriste » flâne au Trocadéro, et pose pour une série de photos devant la Tour Eiffel. Quelques heures seulement, mais assez pour vanter son triomphe et exhiber son mépris envers l’ennemi séculaire, enfin vaincu est dominé.

 

Fin juin 1940, il revient en France, pour signer l’armistice. Mais pas à n’importe quel prix. Preuve, en octobre de la même année, il foule à nouveau le sol de France, dans son train blindé. Cette fois… pour sceller la politique de collaboration avec le gouvernement de Vichy, conduit par le très vieux maréchal Pétain. Enfin… l’ancien petit caporal autrichien tient sa revanche et assouvit sa haine : la France est sous domination nazie, humiliée, officiellement collaboratrice et, en grande partie, occupée par les forces du Reich.

 

Dans son discours de 1942, Hitler n’a pas mis les formes, pour étaler ses futurs projets pour sa jeune conquête : « la merde française, je l’écraserai. Je ferai en sorte que les uns et les autres se détestent, qu’un voisin dénonce un autre voisin, que les familles se déchirent, que la mort soit infligée à tous nos ennemis en France, que nous profitions du territoire français, que sa population s’avilisse au profit de la grande Allemagne ». Plus que de la haine obsessionnelle, c’est du mépris. Pour lui, la France n’est plus rien. Juste un bordel pour les troupes allemandes engagées, dès le 22 juin 1941, dans la guerre à l’Est, contre l’Union Soviétique.

 

Quant aux bunkers et autres abris qu’il va construire, pour rendre ses déplacements plus confortables, ils n’ont pas suscité un seul raclement de gorge de la part de ses collaborateurs français. Pour autant, ces apprentis-führers  ont toujours été méprisés par le Reich : durant toute la collaboration, Hitler ne s’est même pas déplacé pour les saluer. Après tout, ils ont beau partager les mêmes idées, ils restent pas moins … français.

 

Bien sûr, l’argent de la France n’a pas l’odeur des vespasiennes de Paris : la plus grande partie de l’économie française est mise au service de la guerre totale des nazis, pour permettre aux troupes “ariennes”, étrillées à l’Est, de se reconstruire à l’Ouest.

 

In Frankreich, les Chefaillons pro-nazis ne bronchent pas, ils participent même à l’oeuvre de la Gestapo, chargée de déboulonner les mouvements de Résistance et des maquis. Mais ils peuvent toujours ginginer des hanches, ils n’auront jamais les remerciements du chef. Hitler est plus préoccupé par des hommes autrement dignes d’intérêt : ceux qui se préparent, de l’autre coté de l’Atlantique, pour délivrer la France.

 

Il guette de manière obsessionnelle le prochain débarquement des alliés en Normandie. Fait curieux, un mois après l’arrivée de la cavalerie, le 6 juin 1944,  lui-même n’y croyait pas encore. Ce n’est qu’à sa dernière visite en France, en juillet 1944, qu’il tombe de haut de sa silhouette de nabot, face à ses troupes en déroute. Il repart furieux. C’est le début de la fin du 3ème Reich. La fin l’épopée collaborationniste. Mais il en faut davantage pour affaiblir la fidélité de certains de ses “gaulois”. Dont Philippe Pétain, Marcel Déat du « rassemblement national populaire ou encore la crème de la crème des ses collabos, Jacques Doriot, le chef du Parti Populaire Français.

 

Les trois hommes vont le rejoindre en Allemagne, certainement pour échapper aux tribunaux français. Une photo immortalise ce grand moment de « fratrie” : tremblotant, Hitler salue Doriot, habillé en uniforme allemand. Pétain n’a pas eu les mêmes “honneurs” : Hitler n’a même pas daigné le recevoir, ni le remercier pour ses généreux crachats sur le drapeau tricolore.

Jusqu’au bout, le mépris est total.

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