Le Correspondant

Rugby : Le grand raout, la grande claque

 

La Coupe du monde de rugby 2023 devait être une vitrine du savoir-faire français. Elle restera comme un manuel d’échec budgétaire en libre accès. Entre un Claude Atcher en roue libre, une FFR en apnée et un État somnolent, le rêve tricolore s’est transformé en naufrage comptable. Résultat : un déficit abyssal, des clubs en danger, et World Rugby qui se frotte les mains. La fête était belle. L’addition, salée.

 

Ce devait être une fête. Ce fut un fiasco. Ce mardi matin, au Palais Cambon, Pierre Moscovici a rangé les fanions, sorti la calculette et tendu la facture : 13,9 millions d’euros de déficit pour France 2023, un trou transformé en gouffre malgré un succès populaire indéniable. Et pour la Fédération française de rugby, la note pique encore plus : une perte sèche de 28,9 millions. Voilà comment, sous couvert de ballons ovales et de ferveur populaire, s’est joué un chef-d’œuvre de désorganisation budgétaire à la française.

 

Au banc des accusés, le trio de tête n’a rien d’une surprise. Claude Atcher d’abord, l’ex-DG du comité d’organisation, dont la gestion « toxique » avait déjà valu une révocation en 2022. « Responsabilité écrasante », a tranché Moscovici. Traduction : il a foncé dans le mur, à fond, et tout le monde a regardé ailleurs. Ensuite, la FFR, dirigée alors par un Bernard Laporte plus occupé à laisser carte blanche qu’à lire les lignes budgétaires. Enfin, l’État. Présent dans toutes les instances, mais manifestement en mode veille prolongée. Le contrôle ? Une formalité. Le pilotage ? Un mirage. Il a fallu attendre que le bateau prenne l’eau en 2022 pour que la haute administration s’avise qu’il n’y avait plus de capitaine.

 

Les raisons de la débâcle sont connues. Des engagements financiers mal ficelés, des décisions prises dans l’opacité la plus complète — à commencer par le fameux projet Campus, ce gouffre d’apprentissage à 80 millions d’euros, qui finit son parcours avec 15 millions de déficit et autant de questions sans réponse. L’achat des droits d’hospitalité ? 82 millions. Un prix délirant, validé sans sourciller. Et l’entrée du GIP dans un GIE, en douce, pendant que les représentants de l’État roupillaient dans les conseils d’administration.

 

Cerise sur le gâteau : quand Atcher affirme que sans payer cette somme absurde à World Rugby, la France n’aurait pas décroché la Coupe du monde, Moscovici sourit jaune. « Réponse très audacieuse », glisse-t-il. Traduction : une énormité. Car pendant que les contribuables français financent le fiasco, World Rugby, elle, empoche 500 millions. La Coupe du monde la plus rentable de son histoire. Bien joué les gars. Côté anglais, c’est du business. Côté français, c’est de la gestion publique en mode Titanic.

 

Et Moscovici de tirer la leçon avec une gravité polie : ce fut un cas d’école. L’échec modèle, celui qu’on pourrait enseigner dans toutes les ENA de France — si elle existait encore. Avec en prime une mise en garde pour les Jeux olympiques 2024 et les Jeux d’hiver 2030 : il va falloir apprendre à lire les budgets, à surveiller les DG, à nommer des gens compétents — bref, à faire de la gestion. Une idée folle, visiblement.

 

Mais en attendant, France 2023 laisse derrière elle un rugby français financièrement exsangue, une fédération au bord de la banqueroute, et 1 900 clubs amateurs qui pourraient trinquer. On promettait un tremplin pour le rugby hexagonal. On a livré une bombe à retardement.

 

 

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