Les sirènes hurlent à Muzaffarabad, les gilets fluorescents ont remplacé les cartables et les enfants apprennent à compresser des plaies. À la frontière indo-pakistanaise, les balles s’échangent comme des messages diplomatiques, et le Cachemire redevient l’étincelle familière d’un incendie annoncé. Alors que les deux puissances nucléaires se toisent, Washington appelle au calme, mais le décor ressemble de plus en plus à un prologue de trop : celui d’une guerre mondiale à venir.
Tandis que les chefs militaires s’échangent des salves d’artillerie à la frontière, les chancelleries du monde entier retiennent leur souffle. Le Cachemire, cette fracture ouverte entre deux puissances nucléaires depuis 1947, semble à nouveau prêt à basculer – mais cette fois, c’est le monde entier qui pourrait tomber avec lui.
Depuis l’attaque non revendiquée du 22 avril à Pahalgam – qui a coûté la vie à 26 civils côté indien –, New Delhi accuse frontalement Islamabad. Le Premier ministre Narendra Modi, drapé dans son costume martial, a donné le feu vert à une riposte. Islamabad, de son côté, crie au mensonge et se dit prêt à une enquête internationale. En attendant les enquêteurs, ce sont les soldats qui s’expriment : chaque nuit, la Ligne de Contrôle (LoC) crépite sous les tirs croisés. La guerre par procuration flirte désormais avec l’affrontement direct.
Dans le Cachemire pakistanais, l’annonce de frappes indiennes imminentes a provoqué une réaction sans précédent : les 1 100 écoles coraniques ont été fermées pour dix jours. « C’est pour la sécurité des enfants », affirme Hafiz Nazeer Ahmed, directeur local des Affaires religieuses. Un euphémisme quand, dans les écoles publiques encore ouvertes, des cours de premiers secours sont prodigués à des enfants casqués et harnachés de gilets fluorescents. « On apprend à se soutenir si la guerre éclate », confie Konain Bibi, 13 ans, à l’AFP. L’embrigadement n’attend pas le fracas des bombes.
À New Delhi comme à Islamabad, les discours se durcissent. Le ministre indien des Affaires étrangères exige que les responsables soient punis. Son homologue pakistanais accuse l’Inde de chercher l’escalade. Les ambassades ferment, les visas sont annulés, les avions sont cloués au sol par des fermetures réciproques de l’espace aérien, et les effigies de Modi brûlent dans les rues de Multan. À Washington, le secrétaire d’État Marco Rubio en appelle à la paix et à la coopération. Mais les capitales nucléaires, sourdes aux conseils, font entendre le cliquetis de l’arme fatale.
Sur le terrain, les scènes ont un goût d’avant-guerre mondiale. Les armées pakistanaise et indienne ont intensifié leurs mouvements. Le chef de l’armée pakistanaise, le général Asim Mounir, a inspecté des manœuvres au Pendjab : « Toute aventure indienne recevra une réponse déterminée », a-t-il tonné. À Delhi, Modi aurait laissé carte blanche à ses chefs militaires pour choisir les cibles. Le précédent de 2019 hante les esprits : l’Inde avait alors bombardé le Pakistan. Islamabad avait riposté, capturé un pilote indien, puis relâché ce dernier sous pression américaine. L’issue, cette fois, semble plus incertaine.
Sur les deux versants du Cachemire, la population est prise en étau. Les routes sont bloquées, les vivres se raréfient, et l’angoisse devient le quotidien. « On ne sait pas si demain on pourra travailler ou fuir », dit Mohammed Chabbir, ouvrier à Muzaffarabad. En Inde, l’armée arrête par centaines. Neuf maisons ont été rasées. Les drones indiens tombent du ciel côté pakistanais. Et chaque nuit, la LoC devient un théâtre invisible où l’Humanité joue sa survie en sourdine.
Une guerre indo-pakistanaise n’a jamais été un simple conflit régional. En 2025, dans un monde fracturé, surarmé, où les alliances sont prêtes à s’activer, ce pourrait être l’étincelle de trop. Pour l’instant, les diplomates tentent encore de sauver la face. Mais sur les visages des enfants du Cachemire, les casques ont remplacé les cartables. Et ça, c’est rarement bon signe.