Parfois, ce n’est pas l’explosion qu’on craint, c’est le silence entre deux sifflements de centrifugeuses. Le calme épais d’un programme nucléaire qui dit tout… sauf ce qu’il cache. Avril 2025, et l’Iran ne fait toujours pas dans la transparence : entre uranium enrichi à 60 %, stocks appauvris qui grossissent en douce, et dialogues de sourds avec l’AIEA, le suspense continue. Façon théâtre d’ombres nucléaires.
Dans un rapport rendu public ce mardi, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) décrit une situation pour le moins inquiétante : Téhéran disposerait de plus de 5 500 kg d’uranium enrichi, dont 142 kg à 60 %, un seuil hautement suspect. Pour mémoire, 90 % fait une bombe ; 60 %, c’est une très bonne avance.
Et pendant que tous les regards sont braqués sur ces pourcentages frémissants, un chiffre discret fait son petit bonhomme de chemin : celui de l’uranium appauvri, ce résidu qu’on regarde d’ordinaire avec dédain, et qui, au fil des mois, s’accumule en Iran comme les preuves dans une série policière mal ficelée.
L’uranium appauvri, ce mal-aimé devenu suspect
On l’utilise pour lester des avions, pour renforcer des blindés ou fabriquer des obus perforants – mais certainement pas pour faire sauter la planète. Sauf que, dans les bonnes mains (ou les mauvaises, c’est selon), il peut être réenrichi. Et s’il y a bien un pays qui maîtrise l’art des centrifugeuses à haut rendement, c’est l’Iran..
Tout cela serait moins alarmant si l’Iran respectait encore le Plan d’action global commun (JCPOA) signé en 2015. Mais depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord sous Trump en 2018, les limites fixées (3,67 % d’enrichissement, 300 kg maximum) sont devenues obsolètes. Téhéran a rouvert les vannes, relancé les sites de Natanz et Fordow, et restreint l’accès aux inspecteurs internationaux.
L’AIEA, elle, navigue entre coopérations partielles et zones interdites, parfois avertie à la dernière minute, parfois pas du tout. Autant dire qu’elle joue au cache-cache nucléaire… dans une centrale.
De l’uranium au feu nucléaire : la trajectoire n’est pas une fiction
Techniquement, produire une bombe n’est pas un tour de magie. Il faut de l’uranium très enrichi (U-235 > 90 %), des moyens techniques, et une volonté politique. Trois cases que l’Iran coche, au moins en partie.
La vraie inquiétude, c’est la vitesse de montée en grade. Enrichir de 3 à 20 % prend du temps. Mais de 60 à 90 ? C’est une autre affaire. L’équation, ici, n’est pas mathématique : elle est diplomatique.
La partie d’échecs à huis clos
Israël hausse le ton, parle de “ligne rouge franchie”. Washington, lassé de jouer les gendarmes du Moyen-Orient, souffle le chaud (des sanctions) et le tiède (des négociations). L’Europe, elle, multiplie les appels à la désescalade dans un concert d’indignation poli.
Mais pendant ce temps, Téhéran continue de faire tourner ses centrifugeuses, comme un joueur de poker qui vous sourit tout en abattant une quinte flush enrichie.
Et pendant ce temps, à Ispahan
On trouve aussi des restes d’uranium enrichi à 83,7 %, découverts en 2023. Téhéran parle d’ »incident technique”. Depuis, l’Iran temporise, communique par énigmes, et alimente un climat qui oscille entre défiance et paranoïa. Le dernier prétexte en date pour les stocks d’uranium appauvri ? “Recherche scientifique”. Ou peut-être “usage médical”. On attend la version “expérimentation artistique”.
Moralité ? Le programme nucléaire iranien, ce n’est plus une bombe à retardement, c’est un Rubik’s Cube radioactif : chaque face semble en ordre, mais l’ensemble ne colle jamais. Et dans les coins d’ombre, l’uranium appauvri s’empile comme une promesse toxique, prête à être réactivée.
Loin de l’explosion, mais tout près du frisson.