Officiellement, Vladimir Poutine n’est qu’un fonctionnaire comme un autre. Un président de la Fédération de Russie, bien sûr, mais au fond un homme modeste, au portefeuille presque timide : 125 000 dollars par an, un appartement de 77 mètres carrés, quelques comptes en banque, une Lada, peut-être. Bref, un homme du peuple. En théorie.
Car en pratique, le tsar post-soviétique n’est pas seulement à la tête d’un État, il est assis sur un trône d’or, dissimulé derrière un rideau de fumée, tissé de prête-noms, de montages opaques, de villas invisibles et d’une armée d’hommes de paille dévoués corps et âme à sa fortune personnelle. Selon les estimations les plus prudentes, Poutine serait l’un des hommes les plus riches du monde. Selon les plus réalistes, il est tout simplement le plus riche. Elon Musk ? Bernard Arnault ? Des amateurs de Forbes pour faire illusion dans les salons dorés du capitalisme de façade. La vraie fortune est ailleurs, dans les caves du Kremlin.
L’empire invisible du président
Les premières estimations sérieuses de la richesse cachée de Vladimir Vladimirovitch Poutine remontent à 2007. Déjà à l’époque, la CIA avançait un chiffre : 40 milliards de dollars. Plus récemment, Bill Browder, ancien financier pro-Kremlin devenu opposant, affirmait devant le Sénat américain que le magot atteignait 200 milliards de dollars. Une fortune accumulée, selon lui, par un système d’extorsion institutionnalisé : plus de 10 000 fonctionnaires travailleraient dans l’ombre pour enrichir leur maître, siphonnant l’économie russe comme une colonie privée.
Mais la mécanique est subtile. Poutine ne possède rien, il contrôle tout. Il ne signe aucun bail, n’apparaît sur aucun registre, ne touche aucun dividende… officiellement. En revanche, les Shelomov, Kolbin, Shamalov – cousins, amis d’enfance, anciens du KGB – croulent sous les milliards. Un hasard ? Non, une architecture.
Mikhail Shelomov, simple employé de Sovcomflot, détient des parts colossales dans les conglomérats pétroliers russes. Pyotr Kolbin, ancien boucher devenu trader milliardaire. Nikolai Shamalov, qui passe pour le beau-frère de Poutine, est mystérieusement enrichi par les marchés publics de la santé. Leur point commun : tous sont les doigts d’une même main invisible.
Villas, yachts et dorures de la mer Noire
En 2021, l’équipe d’Alexeï Navalny (que Poutine a fini par faire taire définitivement) publie une enquête choc : un palais digne des Mille et Une Nuits sur les rives de la mer Noire, propriété attribuée au président. Sauna à vapeur doré, piste de danse avec barre de pole dance, salle de théâtre privée, tunnel d’accès à la mer, vignoble personnel, et des fresques napoléoniennes dans les couloirs.
Valeur estimée : 1,4 milliard de dollars. Officiellement ? Un « centre de loisirs » appartenant à de généreux donateurs. En réalité, un sanctuaire pour un homme qui gouverne comme un empereur, loin des regards, dans l’opulence d’un monarque gazier.
Et ce n’est qu’un début : villa Sellgren dans le nord, propriété cachée en Carélie, résidence dans l’Altaï, chalet blindé près du lac Ladoga. Partout des bunkers de luxe, des piscines souterraines, des héliports privés. Tout est hors sol, comme son pouvoir.
Une richesse sans visage
À l’heure où les sanctions occidentales cherchent désespérément à atteindre le portefeuille du maître du Kremlin, elles tombent souvent dans le vide. Car Poutine ne possède rien de son propre nom. Il est le système. Le gaz, le pétrole, les banques, les usines d’armement, les chaînes de télévision, les ports, les avions : tout peut être utilisé, exploité, pillé selon ses besoins, comme un propriétaire feint de louer son propre château pour mieux en jouir.
Le pouvoir de Vladimir Poutine n’est pas seulement politique. Il est patrimonial. La Russie n’est pas un pays gouverné : c’est une holding dirigée par un seul homme, un PDG autocrate qui se fait élire pour mieux signer les chèques en blanc d’un empire sans conseil d’administration.