La machine judiciaire se déchaîne, et les élites politiques commencent enfin à trembler. Après des mois de silence, les perquisitions tombent, les affaires s’accumulent et la justice, enfin, s’invite là où elle ne faisait que regarder. Les figures de la politique, planquées jusqu’alors derrière des privilèges et des faux-semblants, se retrouvent désormais sur la sellette.
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Nicolas Sarkozy, d’abord, continue de collectionner les condamnations comme d’autres les légions d’honneur. Marine Le Pen, ensuite, vient de franchir un cap symbolique : condamnée à deux ans de prison avec sursis, 250 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Un jugement qui, s’il est confirmé en appel, pourrait balayer ses ambitions présidentielles — mais qui, en l’état, installe un peu plus l’idée d’une classe politique en pilote automatique judiciaire.
Et voilà désormais Christian Estrosi, pris dans un double faisceau de soupçons. En mars, la mairie de Nice a été perquisitionnée, tout comme le domicile du couple Estrosi–Tenoudji, dans une enquête sur de possibles faits de corruption autour de l’exposition des sculptures de Richard Orlinski. Des œuvres sur l’espace public contre — peut-être — des faveurs artistiquement dissimulées.
À La Valette-du-Var, c’est Thierry Albertini, maire de la commune, qui voit sa mairie perquisitionnée le 8 avril dernier par la police judiciaire de Toulon. Deux plaintes, déposées par le groupe d’opposition La Valette en Action, l’accusent de favoritisme, prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics dans plusieurs dossiers, notamment des projets immobiliers. Le préjudice évoqué pourrait atteindre le million d’euros. Albertini dénonce une « judiciarisation de la vie politique ». Peut-être…
Et voici maintenant Éric Ciotti, président des Républicains, dans le viseur d’une plainte déposée par l’association Anticor le 14 janvier 2025 auprès du parquet de Nice. Elle vise également Charles-Ange Ginésy, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Les faits dénoncés : détournement de fonds publics et recel, notamment dans l’utilisation de frais de mandat parlementaire ou de ressources départementales. Le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, a confirmé que la plainte avait bien été reçue et que « les investigations sont en cours ». Un détail : le conseil départemental des Alpes-Maritimes affirme ne pas avoir été informé. Peut-être aurait-il fallu laisser la porte entrouverte.
Dans le même temps, Grégory Doucet, maire de Lyon, a récemment été placé en garde à vue pendant plus de dix heures dans le cadre d’une enquête pour détournement de fonds publics après une perquisition à la mairie de Lyon en mars 2024. L’enquête porte sur l’utilisation de fonds alloués à des missions politiques maquillées en emplois municipaux. Cette affaire soulève des questions plus vastes sur les pratiques de gestion des mandats politiques et l’intégrité des élus.
Les affaires s’accumulent, se répondent, et dressent un paysage crépusculaire d’une classe politique qui semble avoir troqué le gaullisme contre le cynisme comptable. Et pendant ce temps, les extrêmes prospèrent sur cette mousse sale. À force de voir la justice vider les placards, certains rêvent de renverser la maison. Alors non, il ne suffit pas que la justice passe : encore faut-il qu’elle soit comprise, soutenue, et qu’elle ne serve pas de lot de consolation à une morale absente. Car le linge sale, même lavé au « Karcher », laisse parfois des traces indélébiles.