Le Correspondant

Roumanie : L’Extrême droite, le retour en force d’un vieux complot

Roumanie, ce petit pays des Balkans qui n’a visiblement pas appris de ses erreurs, semble se passionner pour l’extrême droite comme une vieille série télé qui refuse d’être annulée. Mais il semblerait que les téléspectateurs (et les citoyens) aient déjà trop vu le spectacle. Après l’éviction fracassante de Calin Georgescu de la course présidentielle de mai, suite à des irrégularités douteuses (quand même, des soupçons d’ingérence russe et de manipulation des réseaux sociaux, rien que ça), la scène politique roumaine semble plus proche d’un mauvais remake d’un film de propagande des années 30 que d’une élection démocratique. Et pourtant, c’est bien réel.

 

La Cour constitutionnelle roumaine a pris soin de faire sa propre petite purge électorale le 11 mars en excluant Georgescu de la course, une décision qui a fait hurler les partisans de ce dernier, dénonçant un « vol de l’élection ». Bienvenue dans une démocratie où les élections sont aussi transparentes qu’un miroir brisé. En prime, ce qui aurait dû être un incident mineur a plutôt ajouté de l’huile sur le feu, avec l’extrême droite qui semble prendre une place plus que confortable dans le débat public. « La recette Georgescu s’est nourrie du ras-le-bol de la classe politique » explique Laura Stefan, analyste politique au centre Expert Forum, à Ouest France, en parlant de la montée de ce personnage politique. Et pourquoi pas ? Après tout, qui n’aime pas un peu de nostalgie fasciste, surtout quand on peut insister sur l’ombre de l’État profond pour exciter les masses.

 

Légionnaires, Nazis et Noms de Placer

Et là, attention, on entre dans le vif du sujet. Georgescu, ou plutôt le mouvement qui le soutient, s’est emparé d’un terreau particulièrement fertile, celui de la mythologie ultranationaliste roumaine. « Légionnaire », ce mouvement fasciste des années 40 qui s’était associé à l’armée nazie, est à nouveau une référence qui fait frémir. C’est bien simple : on assiste à une réhabilitation de l’extrême droite qui ne prend même plus la peine de se cacher sous un masque. Razvan Martin d’Active Watch, une ONG roumaine pour la liberté d’expression, déclare qu’il existe « de fortes similitudes avec le discours nazi des années 1930 » — Ah, l’époque où tout était plus simple, non ? Où l’on pouvait pointer du doigt les « pro-Soros » comme des Juifs communistes. Des « cafards » et des « rats » ? Quelle belle manière d’apporter un peu de poésie dans la politique. Une rhétorique qui effraie, bien sûr, surtout les minorités ethniques et sexuelles du pays. « Les pro-Soros sont soi-disant tous Juifs et communistes, on les traite de cafards, de rats, et on menace de les faire disparaître, » s’assombrit Razvan, toujours pour Ouest France.

 

Anda Constantin, une activiste Roms, a eu la brillante idée de se mêler à la politique. Résultat : des menaces de mort pour elle et sa nièce. Le tout, filmé par des fanatiques en tenues militaires, avec des insignes légionnaires, comme pour jouer les petits soldats de l’Apocalypse. Ils n’ont même pas pris la peine de cacher leurs visages. Plutôt un indicatif de ce qui semble se profiler : une haine virulente qui se cache sous une apparence de « patriotisme » bien dégueulasse. Vous croyez que c’est de la fiction ? Non, c’est la réalité d’un pays qui a l’air de n’avoir rien appris des heures sombres de son histoire. « Ces gens-là sont organisés à la manière d’organisations paramilitaires, » a confié Anda Constantin à Ouest France.

 

Un Monstre qui Attend

Les « idées nauséabondes » de ces mouvements extrémistes n’ont pas disparu, et pour beaucoup, elles se sont juste tapies dans l’ombre, attendant le moment propice pour refaire surface. Et le moment semble être arrivé. « Leurs idées nauséabondes ont toujours été présentes de manière latente. Comme un monstre attendant de sortir au grand jour, » explique Nicu Dumitru, vice-président de l’ONG Aresel, toujours dans à Ouest France. Et hop, le monstre est de retour, sous la forme d’un homme politique nommé George Simion, un leader d’extrême droite qui ne cache plus son ambition présidentielle. Il a bien attendu son tour, tout en sachant que Georgescu, malgré sa popularité, n’irait pas bien loin. Simion, lui, est prêt à prendre les rênes. Il semble que l’ambiance électorale de mai 2025 va plus ressembler à un concours de ceux qui ont le plus gros bras, avec des appels à la violence et à l’intimidation dans les rues. « Il a invité les partisans de Georgescu qui s’époumonaient dans la rue à dépouiller les membres du bureau électoral, » a analysé Sergiu Micsoiu, professeur à l’Université Babes-Bolyai de Cluj.

 

Une Analyse Géopolitique : Les Dangers d’une Extrême Droite Montante

D’un point de vue géopolitique, la montée de l’extrême droite en Roumanie n’est pas un phénomène isolé. La Russie, tout d’abord, n’a cessé de manipuler les scènes politiques en Europe de l’Est, exploitant les faiblesses démocratiques des pays voisins pour accroître son influence. Les liens entre certains partis roumains et Moscou sont évidents, et les accusations d’ingérence, bien que polémiques, soulignent le caractère vulnérable du pays face à ces forces. Dans cette dynamique, la Roumanie devient un terrain de jeu parfait pour les autocrates et les idéologies extrémistes, car elle peine à maintenir une stabilité démocratique forte, particulièrement après la chute du communisme.

 

L’extrême droite en Roumanie, comme dans beaucoup d’autres pays de la région, est également une réponse à la mondialisation, à la montée de l’immigration et à une classe politique perçue comme corrompue. En accaparant des symboles historiques (comme ceux de la Légion de Fer), elle offre une alternative idéologique populiste qui joue sur la peur de l’autre et de la perte d’identité. Cette stratégie trouve un terreau fertile parmi une partie de la population qui se sent oubliée par les élites et mal représentée. À cela s’ajoute l’incapacité des institutions à répondre fermement aux dérives fascistes, ce qui permet à des partis comme AUR de prospérer.

 

Si la Roumanie n’arrive pas à juguler cette montée de l’extrême droite, le pays pourrait se retrouver dans une situation où ses engagements européens et ses liens avec l’OTAN seront mis à mal. Le spectre d’un renouveau autoritaire, lié à la réémergence des idéologies fascistes, est une menace à la stabilité non seulement interne mais aussi pour la position géopolitique de la Roumanie dans un contexte où les tensions avec la Russie restent palpables.

 

Bref, la Roumanie semble avoir du mal à sortir du cycle de ses démons du passé, et cela pourrait bien lui coûter cher.

 

(Source : Ouest France, 24 mars 2025).

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