Mais quelle mouche m’a donc piqué ! Ce jour, j’ai décidé de tout envoyer chi… Les infos, les bulletins météo du coronavirus, les madames Irma de BFM… J’ai décidé de mater “la Chute du Président”, avec Gérard Butler, pas très reconnaissable depuis qu’il a pris des joues de Hamster. Ce bon nanar hollywoodien est un mille-feuille de complots, d’actions et de méchants. C’est le genre de film, qui ressemble à un accouchement : des cris, du sang, le soulagement, la plénitude. Rien à voir avec le french cinéma où l’essentiel de l’action se déroule dans la cuisine avec, comme personnage principal, le beau Jérôme au nez en trompette qui, au bout de 7 ans de mariage, trompe Vanessa, la femme qu’il aime, avec le meilleur ami de leur fille adoptive.
Non. Là, je n’avais pas le moral à m’encombrer l’esprit avec les turbulences internes de Jérôme, ni avec sa pleurnicheuse de petite femme. De toute façon, dans la scène finale, elle va forcément lui retomber dans les bras, après avoir envoyé en miettes ses 4 assiettes en porcelaine et son ange gardien de saladier, qui a fait des miracles sur son body fit …
Besoin d’un truc qui pète, de sols jonchés de morts, de héros solitaires qui dézinguent salement des putains de méchants comploteurs. Un truc de vrais mecs, musclés, virils… Envie de poursuites de bagnoles de marque autre que Citroën C3, et surtout, surtout… voir des millions de dollars crever l’écran. Peut-être pour me convaincre que les américains sauront nous sauver de la crise économique, qui gronde.
Donc, ce film…
Le Président des States est un pacifiste, qui veut faire la guerre, mais pas n’importe comment. Il la veut propre, classe. Humaine. Il veut du sang à gros bouillon, des balles traçantes, des cadavres à la pelle, mais sa manière de buter doit respecter la vie. Rien à voir avec des Saddam et ses « cartels » des armes destructions massives, qui ont osé décapiter des Gi’s, quand ils ont eu la générosité d’envahir l’Irak.
Donc, le beau cow-boy de la Maison-Blanche a décidé de « fumer » des raclures d’Arabes, mais pour remplir – proprement – les nécropoles, hors de question pour lui de déléguer ce conflit à des compagnies de sécurité privées – qui confondent n’importe quel quidam en Sherwal avec Ben Laden. Son plan de guerre sort droit d’une lessiveuse : c’est aux militaires, uniquement aux fonctionnaires de l’Etat, de monter au front. Comprenez : les militaires, s’il leur arrive de buter des civils, ont au moins l’élégance de le faire dans les règles de l’art d’une bavure.
Rien à voir, là encore, avec les vilains mercenaires, qui ont usé leurs Rangers dans les charniers irakiens. Seul hic : l’une de ces compagnies privées, menacée de faillite, veut dessouder ce bon Président (interprété par Morgan Freeman) pour pouvoir retrouver la place qu’elle mérite dans le business de la guerre.
Manque de bol, ces emmanchés de barbouzes le ratent (comme quoi, l’efficacité du privé…), mais ils lui ont quand même transpercé le ventricule et l’ont expédié dans le coma. Miracle hollywoodien : quand bien même la balle est passée entre l’aorte et les valves, elle n’a pas endommagé le bon cœur du Président. Toujours est-il, Sieur Freeman, ronflant dans son sommeil, est incapable d’exercer ses fonctions, et le bureau ovale est sur le point de tomber sous le contrôle du vice-président. Or, c’est le vice-président himself – salaud de traître – qui est à l’origine de la tentative d’assassinat du gentil Président légaliste, parce qu’il le trouve trop chochotte et qu’il veut rétablir une Amérique forte, qui ne bande plus mou.
Heureusement, il y a Buttler, le héros solitaire. Lui-même accusé de trahison, il doit recouvrer son honneur et se battre, seul, contre deux armées de desperados, descendances directes de Dieu des enfers. Au bout, on s’en doute, il a réussi à dézinguer jusqu’à la dernière frappe cette bande de raclures et sauvé le Président.
Je ne vais pas vous raconter les différentes séquences de son héroïsme, qui renvoie à une Amérique debout, toujours prête à bondir, quand il s’agit de remplir sa part de bien. Tout de même, je dois vous parler de l’autre héros du film : le père de notre Rambo. Oui, oui, notre molosse a un père, avec qui il était en froid, depuis qu’il les avait abandonnés, sa mère et lui. Et ce daron n’est pas n’importe qui.
C’est un ancien vétéran, qui a cassé du « jaune » au Vietnam. Cette fois, il est sorti de sa tanière pour massacrer, en famille, ces chiens de guerre, qui ont eu la mauvaise idée de réclamer leur « part des anges », dans le marché de la mort. C’est aussi grâce à lui que le « maccahabée » du Président ait pu être sauvé, pour donner l’ordre d’expédier son diable du vice-président dans les ténèbres des taules yankees. Comme quoi, les rizières du Viet-Nam n’auront pas donné que des traumatisés de guerre – qui continuent à s’approvisionner en armes, comme DSK en préservatifs.
Je vous entends ricaner et, en même temps, vous dire que tout cela n’est que du cinéma. Du rêve. Du spectacle. C’est vrai. Mais rappelez-vous les événements du Capitole de Washington, peu avant la passation des codes nucléaires entre Trump et Biden : des miliciens d’extrême droite, vêtus comme des caribous et des bisons, ont pénétré dans le vénérable édifice aussi facilement qu’un cow-boy dans un saloon, et se sont incrustés dans l’office de la présidente de la Chambre des Représentants, les pieds sur son bureau… Pis encore, c’est l’ancien Président en exercice, Donald Trump, qui les a incités à envahir les lieux, pour empêcher que son successeur ne soit intronisé par les parlementaires du Congrès.
Jusqu’au 20 janvier, c’est le monde entier, qui a retenu son souffle…. Jusqu’où ira-t-il pour conserver sa place de number one, quel sera son « chant du cygne » ? Tous les « messieurs-horoscope » de télé ont chopé la tremblote, de peur de voir la plus grande puissance du monde tomber dans la guerre civile. Même le coronavirus, le show le plus couru du moment, s’est mis en mode silence.
Loin de moi l’idée de gâcher l’ambiance, ni de prendre la défense de Trump et de ses « faits d’armes ». L’assassinant du général iranien, Qassem Soleimani, le mur de la honte à la frontière mexicaine, le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, ses Kiss-kiss avec l’extrême droite israélienne … Rien ne plaide vraiment pour lui. Mais un constat s’impose : exceptées quelques affaires de politique interne, comme la peine de mort ou la Sécu, Trump n’a jamais failli à la tradition yankee, qui fait la pluie et le beau temps dans le monde. Il l’avait juste exhibée, sans complexe et sans filtre, à l’autre face de la terre.
Il était tout le contraire de ses prédécesseurs, si habiles qu’ils étaient capables de faire passer un massacre de populations civiles, pour une opération « de maintien de la paix » dans les tributs les plus conservatrices de Kandahar. Brute de décoffrage, Trump ne faisait pas du marketing. Nul besoin pour lui de puiser dans les caisses à outils de ses services de com pour imposer sa surpuissance. Il agissait mal, mais franco. Il en avait que faire du « blessing » d’Angélina ou de Macron. Et ce faisant, il a rendu officiel ce que Washington s’est toujours évertué à passer sous le boisseau : dominer les petits, asservir, s’en servir. C’était son erreur, son crime de lèse-descendance.
Ce 20 janvier, donc, il n’y avait pas eu de coup d’Etat, pas plus qu’une guerre civile aux Etats-Unis. Biden est bien le nouveau maître du monde. Son prochain discours portera surement sur le nucléaire iranien, le retrait des troupes américaines d’Afghanistan ou le terrorisme dans le monde. Sa voix sera posée, le verbe soigné, smiley. En chouette guy, il nous dira qu’il restera un patriote, qu’il est là pour servir et protéger, pour hisser encore plus haut la ” bannière étoilée”, mais qu’il sera, aussi, l’ami du monde entier. Au passage, il haranguera sur ce bon vieux climat – qui va bientôt prendre feu, à force de bouillir. Et juste avant le « générique de fin », il terminera son prêchi-prêcha, avec un verset sur sa volonté à exporter « la pax americana » dans les pays agités. Quitte à la « fourrer » dans des missiles balistiques.
Mais, chut !… Cela, il ne le dira pas !