Au Gabon, le général-président Brice Oligui Nguema a trouvé la recette miracle : on renverse, on réforme, on rafle 90 % des voix. Le tout en uniforme, et avec la bénédiction des vieilles barbes du régime.
90,35 %. Voilà un score qu’on n’avait plus vu depuis l’époque où Mobutu gagnait les élections à l’unanimité… en exil. Brice Oligui Nguema, ancien chef de la garde républicaine, putschiste autodéclaré et cousin par alliance du clan Bongo, vient donc d’être « démocratiquement » plébiscité par un électorat manifestement enthousiaste, ou bien parfaitement encadré.
Ce général passé par la royale académie militaire de Meknès, au Maroc (merci Sa Majesté), n’est pas tombé du ciel, ni des palmiers. C’est un enfant du sérail, un pur produit de la dynastie Bongo, à laquelle il a juré fidélité… jusqu’à l’opportunité historique du 30 août 2023, date à laquelle il a décidé que les Bongo, ça suffisait. Place aux Oligui. Un coup d’État propre, poli, télévisé, avec Ali Bongo en pantoufles, filmé en train d’appeler ses amis à l’aide. Depuis, plus un bruit du patriarche.
Mais que les mauvaises langues se calment ! Oligui est un homme neuf, si l’on excepte sa collection de galons, ses accointances familiales avec le pouvoir déchu, son passage aux services secrets de la présidence, et trois petites propriétés discrètes dans la banlieue de Washington, achetées rubis sur l’ongle et cash — selon les enquêteurs de l’OCCRP, qui n’ont pas dû recevoir le carton d’invitation à la cérémonie d’investiture.
À Libreville, les murs du palais n’ont pas changé. Seuls les portraits ont été remplacés. On promet la rupture, mais avec les mêmes têtes, les mêmes méthodes, les mêmes garde-robe kaki. La transition, version Oligui, c’est un long fleuve militaire : on nomme un Premier ministre d’opposition pour la vitrine, on reconduit les vieux copains du Parti démocratique gabonais à l’Assemblée, et on fait la chasse aux vilains corrompus… sauf quand ils portent le même nom.
Marié à Zita, récemment remarié à Anouchka (les généraux ont bon goût et deux alliances), Oligui s’installe dans la durée. Il avait promis qu’il ne serait pas candidat à sa propre succession : le voilà élu président. Par le peuple. À 90 %. On aurait presque envie d’organiser une minute de silence pour les électeurs qui y ont cru.
Et pendant que les capitales occidentales sortent les violons de la « stabilité retrouvée », le Gabon, lui, découvre le recyclage présidentiel. Après le fils Bongo, voici le cousin Oligui. Même palace, même protocole, même promesses de lutte contre la corruption — et mêmes trous noirs dans la déclaration de patrimoine.
Bref, au Gabon, le roi est mort, vive le cousin du roi. Quant à la démocratie, elle repassera. Elle est restée coincée à la douane, entre deux cartons de bulletins déjà cochés.