Le Correspondant

Emile : l’ombre de l’affaire Gregory

Deux enfants, deux tragédies, et une époque qui, bien qu’éloignée, semble avoir forgé les mêmes destins brisés. Grégory, retrouvé noyé dans la Vologne en 1984, et Émile, dont les ossements ont été découverts dans une forêt du Var, près de 40 ans plus tard. Leurs disparitions frappent de manière troublante, un écho entre passé et présent, un mystère qui se tisse à travers des familles dévastées, des arrestations, des suicides, et une justice parfois aveugle. Tandis que la quête de la vérité se poursuit, une question hante les esprits : cette fois, la justice saura-t-elle éviter les pièges du passé ? Ou, comme pour Grégory, la vérité restera-t-elle à jamais enfouie dans l’ombre ?

 

Le 16 octobre 1984, Grégory Villemin, un petit garçon de 4 ans, disparaît dans les Hautes-Vosges, un endroit paisible qui n’a rien demandé. Ce matin-là, comme tant d’autres, il joue dans la cour de la maison familiale, à Lépanges-sur-Vologne, sans savoir que sa vie serait volée par l’ombre d’un inconnu. La vallée de la Vologne, tranquillement assoupie, devient le centre d’une tourmente que personne ne maîtrise.

 

Le corps de Grégory est retrouvé trois jours plus tard, le 19 octobre, flottant dans l’eau glacée de la rivière. Un drame qui, dans la France des années 1980, déchire la famille Villemin et secoue tout un pays. La suite ? Une farce macabre. Un enchevêtrement d’hypothèses, de fausses pistes et de coupables désignés sur un coup de tête.

 

Christine Villemin, la mère, est la première à être accusée. Sans preuve. Sans enquête sérieuse. La presse en a fait son coupable idéal, comme un verdict instantané. Mais, dans cette histoire de rumeurs et de mensonges, un autre coupable émerge, celui qui allait alimenter les faux espoirs : Bernard Laroche, le cousin de Jean-Marie Villemin, le père de Grégory. Il est arrêté en décembre 1984, puis placé en détention, dans l’ignorance totale de ce qui s’était réellement passé.

 

Il faudra un acte de violence pour faire avancer les choses. Jean-Marie, le père, accablé, perdu sous le poids des accusations injustifiées, prend la justice entre ses mains. Le 29 mars 1985, il abat Bernard Laroche de plusieurs balles. La presse s’est délectée de ce spectacle. Ce n’était pas la vérité qu’elle servait, mais une scène de théâtre à couper le souffle, un drame à couper le souffle. La famille Villemin, elle, sombre dans l’incompréhension, une tragédie au cœur d’une autre.

 

Et l’affaire Grégory, loin de se terminer, va contaminer tout le système judiciaire. Le juge Jean-Michel Lambert, déjà englué dans une affaire qu’il n’a pas su résoudre, se laisse happer par la spirale. Les rumeurs le poursuivent, le temps l’écrase. En 2017, accablé par le poids de l’échec et du chaos, il se suicide. Une fin tragique pour un homme qui n’avait pas cherché à rendre justice, mais à sauver son propre nom.

 

Et puis, Émile…

40 ans plus tard, la France se trouve de nouveau confrontée à l’inexpliqué. Le 8 juillet 2023, Émile, un enfant de 2 ans, disparaît à son tour dans la petite commune du Vernet, située dans le sud de la France, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. Là où les champs et les forêts cachent plus de secrets qu’on ne pourrait l’imaginer.

 

Quelques semaines après la disparition, un cadavre mutilé est retrouvé dans la forêt du Var, fragmenté, incomplet. Il n’y a plus d’enquête, plus de preuves, juste des débris de ce qui aurait dû être une vie pleine d’avenir. Et la famille d’Émile ? Plongée dans l’incertitude, accusée sans raison, étouffée sous le poids d’une pression médiatique omniprésente, bien loin des faux espoirs d’antan.

 

Le prêtre François-Marie devient une figure centrale dans l’enquête. Un homme enfermé dans son propre tourbillon de rumeurs, les regards des enquêteurs braqués sur lui comme sur un coupable idéal. Un poids lourd sur ses épaules. En août 2023, François-Marie, accablé par la pression, trouve une issue tragique à cette spirale. Il se suicide le 13 août 2023. Un geste qui ajoutera à la tragédie, et qui laissera planer un silence assourdissant autour de cette famille déjà dévastée.

 

Il y a quelques jours, le grand-père d’Émile, André, est placé en garde à vue, comme cela semble être la norme, une fois de plus, dans ces affaires d’enfants disparus. Mais l’histoire ne suit pas le même chemin que celle de Grégory. Les policiers, cette fois, sont plus méthodiques. Pas de conclusions hâtives, pas de fausses accusations. Mais il reste l’ombre du passé. Les fantômes de Grégory planent toujours.

 

La presse, cette fois, semble plus prudente, peut-être conscient du mal qu’elle avait causé en 1984, mais l’atmosphère lourde, saturée de soupçons, continue de ronger tout ce qui reste. Peut-être que l’on a appris des erreurs du passé, mais la douleur des familles semble ne jamais cesser d’être alimentée.

 

Les fantômes du passé hantent toujours…

Aujourd’hui, plus de quarante ans après la disparition de Grégory, son nom reste un souvenir flou. Le corps retrouvé dans les eaux de la Vologne est devenu une silhouette fantomatique, un prénom qu’on chuchote, mais qu’on ne parvient toujours pas à replacer dans son contexte. En mars 2023, une nouvelle tentative d’analyse ADN a échoué, donnant pour résultat ce que la justice a toujours échoué à obtenir : la vérité.

 

Et pour Émile ? La justice saura-t-elle enfin éviter le piège de la médiatisation aveugle ? Le tumulte des premiers mois de l’affaire ne s’est pas éteint. La pression sur la famille, l’ombre du passé, les erreurs accumulées dans une quête pour une vérité toujours fuyante, semble peser plus lourd à chaque étape. La question est plus que jamais sur toutes les lèvres : Est-ce la fin du cauchemar, ou ce n’est qu’un écho qui se répète, encore et encore, à travers les générations ?

 

Les deux affaires, d’apparence distinctes, partagent les mêmes fondements : une famille dévastée, des enfants disparus, des accusations précipitées, des arrestations injustes, une justice aveugle, et des suicides qui marquent les défaillances d’un système en perdition. Le poids de l’inaction et des faux-semblants, toujours là. La vérité, elle, se dérobe à chaque tentative. Et ce vide est la seule chose qui persiste, comme une malédiction à travers le temps.

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