Cela devrait être gravé dans le dictionnaire des records : dans un pays qui organise une élection présidentielle anticipée, sans raison apparente, qui n’a jamais failli à sa tradition de coopter les candidats du Sérail, le président élu dénonce sa propre réélection.
Cette “médaille olympique” revient à l’Algérie, qui vient de sortir des présidentielles ce 7 septembre, emportée par le Président sortant, Abd El Madjid Tebboune, avec un score soviétique de … 94 % des voix. Rien que cela.
On vient d’apprendre que le Président Tebboune, couverts de félicitations par les grands de ce monde, vient de se fendre d’un communiqué, pour dénoncer des ” incohérences majeures”, dans le scrutin. Inédit… Il pointe, avec sévérité, l’autorité électorale (ANIE) qui a annoncé son élection, en donnant un chiffre qui ne correspond à rien. Ni au vraies voix qu’il a recueillies, ni au taux effectif de participation – qui est de 10%.
Mais il y a plus grave encore. En partant d’un chiffre farfelu de 48% d’électeurs, l’Anie, après avoir fait ses calculs, n’a vu que 5,6 millions de votants. Même Pythagore, dans une fourberie décapante, n’aurait pas pu tomber sur ce chiffre-là. Car le taux de participation ne peut pas dépasser 23%, puisque le corps électoral compte près de 24,5 millions d’électeurs.
Admettons qu’il s’agit d’une erreur (bien grosse) de comptage… Où sont passés les 6% restant, soit plus de 6 millions d’Algériens. Evaporés dans l’isoloir ou volés à l’opposition, laquelle est principalement représentée, en façade bien sûr, par Youcef Aouchich du Front des Forces Socialiste (FFS) et Abdelaali Hassani Cherif, président du le Mouvement de la société pour la paix (MSP) ?
Pis. Si l’on croit l’Anie, ces deux perdants n’auraient récolté que 5 % des voix, alors qu’ils avaient faits salles combles durant la campagne électorale. Pis encore. La commission électorale, à ce jour, ne s’est pas exprimée. Comme si elle n’a pas de comptes à rendre. Y compris au Président…
A-t-elle délibérément vulgarisé la fraude pour parasiter l’élection ? Ceux qui connaissent les arcanes du régime algérien n’ont pas de doute : “C’est une manoeuvre pour déstabiliser le Président et le pousser hors de son trône”. Car Tebboune, affirment-ils, n’est plus en odeur de sainteté, y compris dans son propre entourage.
Auto-opposition
Impossible, pour le moment, de vérifier ces informations et on ne le saura peut-être jamais. Mais Tebboune, c’est vrai, n’est pas aimé de tous les généraux algériens et ces derniers ne s’aiment pas entre eux.
Depuis près d’un an, la guerre est déclarée entre certains hauts gradés et le général Chengriha, soutien de Tebboune. Les uns veulent changer de Président, Chengriha s’accroche à son dauphin. Mais Tebboune et son protecteur connaissent les coups tordus du système, dont ils sont les pères et les rejetons, autant que le système connait les leurs : ils savent qu’ils ne peuvent se maintenir au pouvoir que s’ils parviennent à voler la confiance des Algériens. D’où cette sortie inédite du Tebboune ( sur la validité des élection ) qui devrait lui permettre de se la jouer proche du peuple ?
Qui sait… peut-être a-t-il l’idée folle de rejouer l’élection présidentielle, en se présentant dans le costard blanc des opposants de l’intérieur. Pour prolonger la date de péremption de cette nouvelle Algérie dont il a inventé le concept, mais qui n’est, en fait, qu’une copie de l’originale.
C’est à dire pauvre, déclinante, totalitaire…