Le Correspondant

Coronavirus : la Guyane, on s’en tape ?

Emmanuel Macron en Guyane

Depuis le mois de mars, le front de la guerre contre le coronavirus est ouvert. Macron et son gouvernement ont enfilé le treillis, masque obligatoire à la main, tests dans la poche du costard à 2000 balles, les voilà décidés à « dézinguer » ce maudit virus partout en France. A Lille, Marseille, Bordeaux, Nice. Partout. Sauf dans les territoires d’outre-mer.

 

Là- bas, parait-il, tout va bien pour le meilleur du monde. Hormis la Martinique, la Polynésie ou Mayotte, la situation serait maitrisée, l’épidémie avancerait lentement et les hospitalisations seraient en baisse. C’est ainsi que la Guyane est passée, pendant longtemps, sous les radars des mesures anti-covid : pas de confinement, pas de fermeture de bars, juste un couvre-feu. Mais des effets d’annonces à la pelle, avec la promesse de vacciner l’îles sur des chapeaux de roues.

 

Peut-on pour autant aller à rebours de cette évidence : le gouvernement n’a jamais fait le sourd devant le coronavirus, encore moins le muet ? Nous en sommes convaincus. Mais il suffit de traverser l’Atlantique pour se rendre compte que le miracle tropique n’est que chimère. Depuis mars dernier, 16 000 cas confirmés, près de 80 morts dans la région. Certes moins qu’en métropole, mais plus que la recrudescence des cas, c’est l’état du système de santé qui donne le tournis.

 

Le tiers monde français

Selon Francis, infirmier de la réserve sanitaire, « les capacités d’accueil sont dépassées et il n’est même plus possible de transférer les malades dans d’autres établissements hospitaliers ». Par manque de structures, manque de moyens, manque de personnel. Là encore, les chiffres parlent : il n’y a pas plus de trois hôpitaux, pour un territoire grand comme l’Autriche – avec une population 300 000 habitants et un taux de natalité trois fois supérieur à celui de la métropole.

Dans leurs couloirs débordés, on se croirait dans le tiers monde : « Moisissures sur les murs, chambres sans oreillers, mobilier usé, un personnel peu qualifié, des morts aux urgences, peu de médicaments, une vétusté des appareils ».

Le tiers-monde français !

 

A Cayenne, l’hôpital n’a même pas de service de cardiologie. Les malades graves sont soignés en Guadeloupe, « quand ils ne trépassent pas dans les couloirs lépreux ». Son surnom dit tout de son état : « l’hôpital de la mort ».

 

Même spectacle dans les zones reculées, notamment à l’hôpital de Kourou ou de Saint-Laurent-du-Maroni : « On y meurt d’une morsure ou d’une simple maladie », faute de matériel de soins appropriés. De fait, en ces temps du coronavirus, l’inquiétude enfle : « Nous allons vivre un massacre », dit un habitant. Sa crainte ? Que le nombre de cas explose, à cause des flux « migratoires » sur les frontières, notamment celles du Surinam ou encore… « les frontières avec le Brésil », le pays le plus touché par le coronavirus, après les États-Unis.

 

 

Selon nos informations, ce ne sont pas des frontières, mais juste un concept, « une passoire », avec une police et une douane certes, mais sans véritables contrôles sur le terrain.

Sont surtout concernés les points de passages clandestins, comme la « route amazonienne » encore en construction, ou le fleuve de l’Oyapock. Des frontières officiellement fermées, mais toujours traversées, sur la majeure partie de leurs cours, par les Amérindiens, les brésiliens illégaux, les marchands d’or ou les prostituées.

 

Lors de la première vague du coronavirus, en mars dernier, la rumeur dit que ce sont eux qui avaient renfloué la liste des malades dans la ville martyr de Saint-Georges-de-l ’Oyapock – victime de sa proximité avec la ville brésilienne, Oiapoque, qui se trouve à moins de 100 km. A l’époque, sa situation sanitaire était catastrophique : 18 morts en moins d’un mois et 100 contaminations par semaine. Un détail force l’attention : pendant cette terrible période, Saint-Georges ne disposait que 3 médecins et d’une petite dizaine d’infirmiers. Pour une population de … 4500 habitants.

 

Aujourd’hui, inutile de chercher les malades agonisants sur des brancards de fortune. Pas besoin de se réfugier dans les carbets, pendant un temps indéfini, faute de masques et de tests : un semblant de « paix » y est revenu, mais la sérénité est toujours absente. Car les habitants craignent de replonger dans l’enfer du printemps dernier. En cause : la possible dispersion du variant brésilien dans la région et toujours le problème des frontières avec le voisin sud-américain. Fermées …  mais ouvertes quand même.

 

Noël Macron, père Emmanuel.

Mais alors que les autorités françaises sont allées jusqu’à verrouiller les frontières suisses – au cas où le virus se planquerait dans les flocons -, pourquoi ce laisser-faire en Guyane ?

 

La réponse est dans l’histoire turbulente de cette partie de l’Amérique du Sud : il y a plusieurs siècles en arrière, les populations étaient au centre d’un litige entre la France et le Brésil. En jeux, les territoires de la région, alors peuplés d’esclaves brésiliens et bourrés d’or dans le sous-sol. Pour avoir leur contrôle, la France a joué la carte du protectionnisme, via l’instrumentalisation des populations amérindiennes, qui clamaient l’urgence de créer une République indépendante et d’en confier le gouvernail à la France. Mais les brésiliens, pas dupes, ne voulaient pas en céder un seul carat. Finalement, au bout d’une négociation à rallonge, un accord est trouvé : cette partie de l’Amazonie a fini par être divisée entre les deux pays, à la manière du grand Kurdistan ou du Cachemire.

 

 

Plusieurs vies plus tard, c’est bien cet accord géopolitique, sur fond de commerces et de souffrances, qui a amené la construction de la route amazonienne, en 1947, puis le pont de l’Oyapock en 2007, devenu l’un des portes de passages pour les migrants et un point de discorde entre la population guyanaise et Paris. Les mêmes populations, qui buttent souvent sur le dédain des autorités, trop aveuglée par le scintillement de l’or sous les montagnes, pour s’occuper des enfants des mangroves.

 

Aveu décomplexé d’Emmanuel Macron, lors de son passage en Guyane en 2017, pour faire vibrer les accords de Guyane, censés revitaliser le territoire. Devant les intervenants, qui clamaient l’urgence de répondre aux souffrances des populations, le Président de la République répondait alors : « Je ne suis pas le père Noël ».

Décidément, comme dirait une femme politique, il y a comme des « étoiles dans la tête et des marigots sous les pieds » …  de la République !

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