Le Correspondant

France-Algérie : Et si tout cela n’etait qu’une tempête dans un verre d’eau ?

Après le niet d’Alger pour reprendre certains de ses OQTF considérés comme  » dangereux » par la France, le ministre de l’Intérieur dégaine. Pas question d’attendre pour faire plier ces récalcitrants d’Algériens. Retailleau veut remettre en question les accords de 1987, qui offrent des avantages aux diplomates algériens en France. Comme ca, explique Darmanin dans le Figaro, les dignitaires du régime ne pourront plus venir chiner sur les Champs Elysées, « profiter de leurs avoir en France » ou « se faire soigner dans les hôpitaux français ».

 

Mais vu d’Algérie, cette première punition n’a même pas la force d’une chatouille. Les diplomates algériens, rappellent les journaux locaux, se sont déjà tournés vers d’autres pays de l’Union, comme l’Italie ou la Slovaquie. Mais, affirme-t-on de l’autre côté de la Méditerranée, cela donnera à l’Algérie un casus bellis pour prendre des mesures de rétorsion autrement plus agressives. Notamment contre les diplomates français, encore autorisés à se rendre en Algérie sans visa, et les biens immobiliers français dans le pays.

 

Pour le moment, aucune mesure dans ce sens. Alger reste lance des balles à blanc et attend ce à quoi tout le monde s’attend : que la France ne mette en musique sa promesse de rayer d’un coup de crayon les accords de 68. Or, même si l’idée est fredonnée avec tambours et trompettes, le ministre de l’Intérieur semble avancer à tâtons sur la question. Car Macron n’est pas du tout de son avis. Taboune, l’Algérien, l’avait prévenu : toute remise en question des ces sacrés accords de 68 donnera lieu à « des conséquences incalculables ».

 

A terme, sous-entend-il, bravache, l’Algérie jouera la grande carte dont elle dispose : fermer à double tour les tuyaux de gaz et de pétrole et faire tomber les accords d’Evian, signés en 1962, à la fin de la guerre d’Algérie. Ce sera la dernière étape avant la fin de toute relation diplomatique entre les deux nations. Bien sûr, au plus fort de la guerre d’Ukraine, Macron ne veut pas mettre les Français au réservoir sec et l’Algérie ne peut pas se priver du pactole des hydrocarbures qui font la richesse de la Nomenklature.

 

En attendant, Macron joue la montre, prie qu’on l’oublie, en espérant que son silence finira par convaincre l’Algérie de revenir à la raison. Mais Alger, pour montrer de quel bois elle se chauffe, fait comme si elle ne bronchait pas : elle ne tolère aucune réadmission de ses OQTF, tant que la France n’a pas répondu à ses exigences. Sur le nettoyage des sites nucléaires français dans le Sahara, la reconnaissance de crimes français pendant la colonisation, l’expulsion des opposants algériens du sol français, la démission du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau : toutes les réponses en provenance d’Alger sont le signe que le gouvernement algérien joue sur les nerfs de Paris.

 

En écho, certains membres du gouvernement semblent également manier le jeu de la charge mentale et de la pression médiatique. Retailleau, en tête de gondole, continue à bomber le torse et Darmanin, en deuxième ligne, s’englue dans une martingale dont il est le seul à avoir le secret : d’un côté, il prône « la solution diplomatique » et, de l’autre, il appelle au « retrait de l’ambassadeur de France en Algérie ». Pour faire de la diplomatie sans diplomates ?

 

Pendant ce temps, les attaques à fleuret moucheté continuent à faire la Une. On vient d’apprend que la ministre du Travail veut supprimer « les visas de travail » accordés aux Algériens. En apparence, une telle mesure risque de servir aux Algériens une copieuse pour faire tomber le couperet sur les 6000 entrepreneurs français installés dans leur pays et déclencher à terme, d’après les spécialistes, « une crise économique en France ».

 

Mais la ministre le sait : cette restriction sur les visas ne concerne que les cadres, comme les médecins, et ne sera pas de nature à impacter réellement les intérêt de l’Algérie, de même que le régime algérien le sait : il n’ira pas mordre la main de ces entreprises françaises qui nourrissent plusieurs dizaines de milliers de ses citoyens.

 

Il est évident qu’aucun des deux pays ne veut aller dans le sens d’une rupture. Ni porter le conflit sur l’homme de la rue » – avec suppression de visas pour les Algériens, touristes ou étudiants, mesures de rétorsion contre la diaspora algérienne en France, suppression des titres de séjours, bref engager une « chasse aux sorcières » – qui fera l’affaire des ultras des deux bords, notamment ces extrémistes embusqués, au nationalisme décapant, qui brûlent de chauffer les jeunes à blanc, pour jouer le second round de la guerre d’Algérie.

 

En réalité, le cordon diplomatique n’a jamais été coupé. Selon les informations du journal le Monde, la diplomatie s’active à toute allure. Jean Noël Barrot, qui se sue à calmer les esprits, vient d’ailleurs de se rendre à moquée de Paris (contrôlée par l’Algérie), officiellement pour se faire une petite chorba du Ramadan. A ce qu’il parait, il est revenu un deal dans sa sacoche diplomatique. Lequel ?

 

Algériepatriotique, un journal proche des Services algériens, nous en donne un petit aperçu dans son dernier numéro : une grâce pour l’écrivain Boualam Sansal serait dans les tuyaux. Ce sera un premier geste d’apaisement en provenance d’Alger.

 

Saisissons-le pour éteindre… la fumée.

 

 

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