Dimanche, Rabat, la capitale marocaine, s’est transformée en agora populaire. Des dizaines de milliers de manifestants ont investi l’avenue Mohammed V pour dénoncer le « massacre et le déplacement » des Palestiniens dans la bande de Gaza. Une foule dense, rythmée par les tambours et les slogans, répondait à l’appel d’une coalition à dominante islamiste, dont le mouvement Justice et Bienfaisance, interdit mais toléré — un classique marocain.
C’est la plus imposante mobilisation pro-palestinienne depuis des mois. Drapeaux palestiniens en pagaille, enfants en linceuls symboliques tachés de rouge, pancartes criant la colère… et quelques portraits de Yahya Sinouar, ancien chef du Hamas, célébré en martyr victime de l’État israélien.
L’armée israélienne, après deux mois d’une trêve au goût de sursis, a relancé son offensive à Gaza le 18 mars. La riposte militaire fait suite à l’attaque sans précédent menée par le Hamas le 7 octobre 2023. Bilan humain tragique, et propagande de guerre en stéréo des deux côtés. Selon le ministère de la Santé du Hamas, plus de 1 200 personnes auraient été tuées.
Dans les cortèges, les slogans fusent : Benyamin Netanyahou y est traité de « criminel », les Gazaouis sont décrits comme affamés sous blocus, et la normalisation des relations entre Rabat et Tel-Aviv qualifiée de « trahison ». Celle-là même que le royaume avait officialisée fin 2020 sous les dorures des accords d’Abraham, négociés à l’ombre bienveillante de Washington.
Depuis octobre, les appels à rompre ce pacte se multiplient dans la rue. Mais à Rabat, on sait jouer du contretemps. Le gouvernement appelle à « l’arrêt immédiat, global et durable de la guerre », tout en maintenant sa poignée de main stratégique avec Israël. La morale s’indigne, la realpolitik persiste.
Une nouvelle manifestation est d’ores et déjà prévue à Casablanca. Car si les foules marchent pour la Palestine, le pouvoir, lui, continue d’avancer à pas feutrés… sur un fil.