C’est un projet ambitieux, qui a réussi le tour de force de tordre le cou à la misère et de protéger la faune et la flore. Ca ne se passe pas chez les bobos du Marais, mais dans la brousse du sud du Cameroun.
Les informations en provenance du continent africain donnent souvent le tournis mais, là, on a envie de sauter de joie, devant la détermination des habitants de Compo, légués contre un intrus menaçant. Un mal, le trafic du bois, en roue libre dans la région.
Dans cette commune du sud du Cameroun, coincée entre terre et mer, la Guinée et le Gabon, le bois disparait par des milliers de mètres cubes, selon le constat des associations de l’environnement : « Il est ensuite transformé en planches, dans des ateliers clandestins, nombreux à Douala, et il finit dans des cargos, à destinations de l’Europe et de l’Asie ».
Bilan : plus de « 23 milliards de Franc CFA de perte pour l’État camerounais », s’alarme l’Agence camerounaise de l’Investigation Financière, alors qu’a Yaoundé, la capitale, « on a eu droit qu’à des discours, des paroles, des chiffres, mais aucun acte concret, pour stopper l’hémorragie », éructe un journaliste local.
Sentiment partagé par les habitants de Campo, qui ont « décidé de prendre les choses en main », au lieu de continuer à attendre un miracle de l’Etat. Non. Pas pas de haches, ni de machettes. Juste une idée : celle du touriste. Camerounais ou étrangers, ils sont nombreux à affluer dans le coin, pour admirer la région et les tortues marines, une espèce rare, uniquement présente dans les eaux de Campo.
Pourquoi pas les mettre à contribution pour lutter contre le trafic du bois ? Un projet a germé : charger les jeunes, parmi les trafiquants, d’attraper les tortues et les confier, ensuite, aux touristes, qui doivent les soigner et les remettre dans l’eau. « En contrepartie, explique un habitant, chaque visiteur doit verser un peu d’argent au jeune “pêcheur”, qui l’avait attrapée ».
Dans le fond, une arrière-pensée étincelante : mettre en valeur le savoir-faire des trafiquants : la pêche. Leur donner du travail, une rémunération, pour les éloigner du braconnage. En prime, protéger la forêt, sa faune et les tortues.
Tout un écosystème, reconnaissent aujourd’hui les acteurs de la protection de l’environnement : « C’est l’un des meilleurs projets écotouristiques que nous avons vus, ces dernières années ».
Des associations jusqu’aux institutions, on ne se lasse plus de vanter les mérites « des paysans de Campo », devenus une « marque écologique », se félicité le conservateur des tortues d’Ebodjé, Albert Ndomi Yavoua. Rappelant la petite économie bâtie autour de la tortue marine : « Elle a permis de remplir l’assiette et, surtout, de d’éduquer la population à la protection d’une espère rare, la tortue marine, consommée comme du poulet, il y a peu de temps en arrière ».
De leur côté, les autorités forestières sont soulagées dans leur impuissance, face aux trafiquants : depuis le lancement et projet, le trafic du bois a ralenti. En période de ponte (entre mars et septembre), il disparait complètement, ou presque, avec l’arrivée massive des touristes.
A cette occasion, même le village se transforme : des femmes proposent des chambres chez l’habitants, les restaurants des mets locaux, on vend des excursions en forêt et des balades dans les chutes de Lobé, encadrées par des guides… des anciens pécheurs-trafiquants.
L’activité est gérée par les villageois ( organisés en associations : “Ebotour” et “Tubu Awu” ) et les revenus qu’ils en tirent sont versés aux familles en difficulté.
On est loin des 1000 milliards de dollars, générée par l’industrie de l’écotourisme dans le monde, on est encore loin d’avoir sécurisé la faune de Campo, mais on ne tire plus le diable par la queue.
Comme quoi, une tortue peut accoucher d’une forêt.