Dimanche soir, pour le dépouillement, on a assisté à une scène d’anthologie au théâtre de Draguignan : Philippe Schreck, député RN et candidat à sa succession, a déboulé avec toute sa Smala : militants aux gros bras tatoués, employés du tribunal aux idées Marino-compatibles, personnes en souffrance mentale – comme Aurélien, dit ” chapeau de paille”. Mais aussi… ses trois femmes : son ex, Sandrine Schreck, fanée dans sa cinquantaine, sa nouvelle dame, plus jeune et fraîchement conquise, et sa fille, Lucie, mi-femme mi-fillette, visiblement pas très à l’aise sur ses talonnettes.
Bref, tout le “harem”est là, mais aucun comité d’accueil à son arrivée. Seulement son escorte pour l’encourager, sans pour autant parvenir à dissimuler son inquiétude. Sandrine tire une mine de déterré et Lucie ne sait même plus sur quelle talonnette danser. Elle a passé une partie de la soirée à ginginer dans sa combinaison verte (dans les couleurs du dessin animé de son enfance….), l’air de chercher quelque chose qui ne vient pas.
Quant à Schreck, il était tantôt scotché à son téléphone, tantôt perdu dans ses petites pensées. Fait remarqué par tous : chacun de ses geste déclenche une réaction quasi homéostatique dans son petit cortège : s’il se déplacent, il aimante le regard des siens; s’il inspecte son smartphone, toute sa cour se jette sur son téléphone; s’il décide de checker les résultats qui abondent à l’écran, ses courtisanes se ruent derrière son dos courbé. Telles les Amazones de Khadafi…
La scène est d’autant plus irréaliste que les résultats qui défilent tranchent avec cette angoisse familiale : des “blues “du LR aux “rouges” de la lutte ouvrière et du Front Populaire, tous ont été battus à plates couture par le député. Pas un seul quartier de la Dracénie qui soit resté dans le giron républicain. Brosselettes, Colettes, Malmont… toute la ville est tombée comme une carpette sous les mocassins de Philippe Schreck.
Qui pouvait imaginer ce résultat – 54% – il y a encore quelques années ? Certainement pas l’édile de Draguignan qui l’avait battu, les doigts dans le nez, aux Municipales de 2020. Surement pas sa première dame, Sandrine Schreck, qui avait vécu l’humiliation en direct. En même temps que sa deuxième dame, qui grenouillait déjà dans les parages…
Alors, pourquoi cette mine funèbre chez les Schreckiens ? Sont-ils surpris par une telle victoire ? Se la jouent-t-il grands seigneurs à l’humilité débordante ? Ou ont-t-ils seulement compris le mystère : que même élu, Fifi n’a toujours pas conquis le cœur des électeurs. C’est ce qu’ont pu constaté nos journalistes, qui ont rencontré les Dracénois. Nombreux l’ont dit : “On vote pour le RN et pas pour Schreck”.
C’est le paradoxe de cette élection : on n’élit plus les candidats – certains sont d’ailleurs inconnus du bataillon – mais les partis. Et cette fois, c’est le Rassemblement National qui devient l’élixir à consommer sans modération. Une potion magique aux maux des Français. C’est ce que Cnews et consœurs leur ont fait croire. Et les jobards les ont crus et se prennent les pieds dans le vote RN. Passant, à leur corps défendant, du front républicain au front anti-républicain. Du Gaulisme au fachisme. De Chirac… à Shcreck, ce “pur sang bleu” qui voit de la délinquance arabe partout, y compris dans les strings bien planqués des femmes voilées.
Autre scène, autre lieu : le café inventé, rue de Trans. Sarah Breffy, candidate du Front Populaire et militante de Place Publique, est habillée pour l’occasion : une robe noire de deuil… comme si sa défaite lui a été annoncée avant même l’ouverture des bureaux de vote. Elle ne la cache pas : “ Je savais que nous perdions, mais je pensais qu’on irait quand même au deuxième tour ”. Las. Schreck, l’extrémiste, s’est essuyé les pieds sur ses espoirs de progressiste. Elle n’a récolté qu’un peu plus de 20 % de bulletins. Une obole…
Fait curieux : dans ce troquet de quartier, l’ambiance est à la fête. Canons de vins, chopes de bières, décibels à fond la sono… Alors que la gauche vient de se prendre une belle raclée, la démesure est déconcertante : les gagnants tirent la tronche, les perdants font bombance. Et n’y vont pas avec la queue du verre… Est-ce pour noyer leur défaite ? “ Non, répond Sarah du tac au tac. Je suis quand même contente d’avoir battu le candidat macroniste ”. Tout est dit : Macron d’abord, Le Pen après, ca se fête !
Mais dans ce “café inventé” qui attire les ultras de la gauche, tout le monde n’a pas le cœur à s’amuser. Car pour ces militants sincères, peu embarrassés par les considérations politiciennes, l’enjeu est ailleurs : le fachisme est déjà aux portes du pouvoir. Bientôt la France sera divisée : d’un côté, les Français français, souchards, bon teint et, de l’autre, les Français en demi-teinte.
Pascal, le patron, croit connaitre les responsables : “ Tout ça à cause de la gauche qui a trahi la gauche”. Un autre fustige “ce Glucksman, qui n’est qu’un duplicata de Macron”. Un troisième, avenant mais remonté, ne voit qu’une solution : “ Prendre les armes… “. Sarah tente de défendre son mentor : “ Raphaël est un homme qui a de la mesure, un espoir pour la France”, lâche-t-elle, croyant avoir marqué un point. Erreur. Ici, on n’aime pas Glucksman. Au mieux, c’est “un rejeton du système”. Au pire “un pourri, comme tous les autres”.
Maintenant d’autres militant s’y mêlent, les voix se mélangent, le chahut vire à la foire d’empoigne : Gluksman, l’Ukraine, les retraites, les gilets jaunes… tous les sujets sont évoqués, pèle-mêle. En même temps que les glouglous de la bière qui se cognent sur les babines de ces “ sans dents” que les socialistes qualifient “d’islamo-gauchistes”.
C’est là que Sarah a décidé de retirer son jupon noir et de s’éclipser, tandis que François Volpi, l’un de ses soutiens, tente de calmer les esprits qui continuent à babiller. Jusqu’à l’évocation de l’intervention de l’opération israélienne à gaza, qualifiée d’un “ acte nazi”. “ Pas possible, vous ne pouvez pas accuser Israel de Nazisme”, s’emporte-il soudainement, en tentant d’en placer d’autres… mais dans le tohu-bohu et le vacarme qui gouverne, sa plaidoirie devient un murmure … Un prêche dans le désert.
A deux heures du matin, tout le monde se sépare. Hors de cette camaraderie de circonstance, qui n’a même pas tenu le temps d’une campagne. Le lendemain, le réveil a surement été dur, la gueule de bois corsée, mais ce n’est pas sûr que ces “gauchos” finiront par mettre de l’eau dans leur bière. Hormis ce “ café inventé” qui a décidé de fermer ses portes, à cause de “la situation personnelle” du gérant, qui l’oblige à s’orienter vers “ une activité qui paye en monnaie sonnante et trébuchante”.